Difficile de juger de Jamais plus jamais. J'en reste donc à mon 5 baccara.


Jamais plus jamais est avant tout un ODI, objet difficilement identifiable.


Produit par Kevin McKlory, il est sa réponse au triomphe de la saga EON, celle de Broccoli-Saltzman.
Autrement dit, est-ce un James Bond officiel? Oui. De la saga la plus reconnue? Non.
Provoquons la surprise: il existe trois sagas officielles de James Bond. Trois qui ont un jour, lorsqu'ils ont réalisé leurs films, possédé les droits.
La première, on la connait, c'est la saga EON et ses 24 volets aujourd'hui (3 juillet 2016). Elle dispose des droits de l'ensemble des romans mais ne disposait pas des droits de deux d'entre eux jusqu'en 2006.
La seconde, c'est celle qui intéresse cet article: la saga warhead de Kevin McKlory et ses 2 volets existants, plus ses volets restés à l'état de tentatives inabouties. Elle ne disposait que des droits d'Opération tonnerre puis aurait tout de même racheté ceux de Casino royale.
La troisième, que nous évacuerons car elle concerne un tout autre domaine, c'est le triptyque Pussycat et ses trois volets loufoques. La saga autour de la Vesper Lynd d'Ursula Andress ne disposait que des droits de Casino royale.


Cela dit, il est aisé d'identifier Jamais plus jamais comme la volonté saugrenue de McKlory de donner une suite à Opération tonnerre, volet appartenant donc à deux franchises officielles. Saugrenue, puisqu'elle consiste en un remake du premier film ...
L'histoire est plus complexe. Opération tonnerre serait la version romanesque d'une tentative de scénario pour le grand écran des aventures de 007. Entre autres titres (Longitude 78 West étant le premier d'entre eux), ce scénario avait été baptisé Warhead. Naît en Mcklory, qui nourrit une volonté farouche de revanche contre les producteurs d'EON et à travers eux Ian Fleming, qu'il considère comme un traître, l'idée de réécrire Warhead pour en faire un film. Sean Connery, non moins enragé contre Broccoli, producteur d'EON, accepte de verser dans son plan machiavélique. Warhead est né, tel une ombre qui désormais cherchera à détruire la saga EON. McKlory prendra d'ailleurs le nom de Spectre production pour certains films, du nom de l'organisation du nemesis de 007 dont il possède les droits et interdit l'usage pour la saga EON. On comprendra également par ces précisions que le Blofeld vindicatif de Spectre joué par Christoph Waltz est une sorte de flèche de Parthe lancée non sans malice par Barbara Broccoli au producteur ennemi de son père décédé en 2006.
Il y a donc à l'origine ce Warhead réécrit de nombreuse fois et qui débouche sur la promesse d'un James Bond interprété par Sean Connery affrontant des requins robotiques munis de laser mais aussi un certain Blofeld campé par Orson Wells (abonné aux rôles de méchants- il devait jouer Le Chiffre pour EON, l'a joué pour Pussycat et devait jouer un nouvel antagoniste supplémentaire) le tout au sommet de la statue de la Liberté. C'est finalement le très éloigné Jamais plus jamais qui verra le jour en attendant un nouveau Warhead tenté dans les années 90 avec successivement Timothy Dalton / Pierce Brosnan dans le rôle de 007, Sean Connery dans le rôle de Blofeld et Wesley Snipes / Liam Neeson pressentis pour le rôle de Largo.
Pour faire simple et synthétique, Jamais plus jamais est le seul film concret ressorti de toutes les tentatives de McKlory pour créer son James Bond à lui.


Mais Jamais plus jamais est aussi à mesurer à l'aune de l'année 1983: l'année de la bataille des Bonds.
Cette année-là, trois James Bond s'affrontent: l'officiel reconnu EON, Octopussy avec Roger Moore; l'officiel indépendant McKlory, Jamais plus jamais avec Sean Connery et l'officieux tenant plus du caméo (je demande à Jackal de ne pas bouder ;) ) Retour des Agents très spéciaux qui voit un cross-over entre deux univers de l'espionnage et dans lequel James Bond est joué par George Lazenby.
Le box-office a déclaré Octopussy vainqueur, donnant raison à son slogan: "James Bond's all time high!". La (re)découverte de la furtive prestation de Lazenby ne laisse pas de faire regretter l'unique prestation officielle de ce dernier. Reste donc un Sean Connery grisonnant qui plaît mais pose problème...
Jamais plus jamais est donc d'une certaine façon le grand perdant de cette bataille.


                                                          ***

Jamais plus jamais est donc identifiable comme l'unique tentative de nuisance de McKlory ayant accédé au monde sensible et comme le grand perdant de la bataille des Bonds. Il est donc soit le vilain petit canard soit une bévue.
Quid du film en lui-même?
Eh bien, là aussi, il y a maille à partir.


Les points forts du film:


Jamais plus jamais, c'est avant tout un film du grand Irvin Kershner, le réalisateur de l' Empire contre-attaque, le meilleur des Star Wars. C'est celui que l'on appelle en catastrophe pour sauver un film et qui y parvient toujours.
Jamais plus jamais, c'est aussi un casting incroyable, quoiqu'en deçà des espérances premières de Warhead: Sean Connery de retour dans le rôle de James Bond, les deux monstres du cinéma souvent de conserve dans leurs films Max Van Sidow (L'Exorciste, et acteur fétiche de Bergman) et Klaus-Maria Brandauer (vedette phare de Szabo, voir Mephisto et Redl) dans les rôles respectifs de Blofeld et Largo, deux superbes actrices, Kim Bassinger (L.A Confidential) et Barbara Carrera (L'Île du Docteur Moreau) en tant que James Bond girls, deux alliés aussi différents en ton qu'en apparences que sont Bernie Casey (Cosmos 1999) et Rowant Atkinson (Mr Bean), Edward Fox en tant que M et Valerie Leon,ex-JBG de L'Espion qui m'aimait en caméo.
Jamais plus jamais, c'est aussi un Opération tonnerre plus moderne, plus facile d'accès, avec plus d'humour.
C'est aussi une somptueuse scène de bal avec Connery-Bassinger, une scène de captur présentée comme une invitation à une party, une menace hilarante à coup de faux gadget.
C'est, ne l'oublions pas, une plongée de 007 dans le monde musulman (certes très caricatural) que la saga EON ne tentera que timidement en 1987 avant de ne plus y revenir. On traite avec humour de la condition de la femme et l'on cache les missiles dans une grotte qui aurait recueilli les larmes d'Allah. Voilà une approche, malgré ses maladresses bien courageuse.


                                                                   **MAIS**

Les points faibles du film:


Jamais plus jamais, c'est un film non parodique qui se lit plus agréablement comme ce qu'il n'est pas. Une parodie.


Que dire de la scène de casino où le jeu de carte et d'argent est remplacé en jeu de torture vidéloludique?
Que dire de Fatima, à des années lumière de la voluptueuse Fiona Volpe d'Opération tonnerre, qui s'habille façon Michael Jackson pour pouvoir être remplacée par une statue de ce chanteur dans la scène qui la voit exploser? Que diront ceux qui boudent la mort de Kananga quand ils auront vu cette fade imitation? Que diront les adeptes de Xénia Onatopp en voyant ce brouillon de tueuse à orgasmes sado-masochistes?
Que dire de Blofeld qui a soudain récupérer la barbe proscrite de Jan Werich sur le visage habituellement glabre de Max Van Sidow?
Que dire de cet allié, Small-fawcett, dont les agissements certes comiques trahissent la présence de 007 comme dans un mauvais spoof-movie?
Que dire de Q, sinon que c'est original de l'entendre parler comme Astérix?
Que dire de M, méconnaissable, et de Miss Moneypenny, comme absente?
Que dire de Félix Leiter sans passer pour un raciste notoire ou pour un puriste arriéré?
Que dire enfin de ce James Bond vieillissant, qui assume son grand âge et pisse de l'acide chlorhydrique entre deux cures et un entraînement militaire à armes incomplètes et caméras cinématographiques?


En conclusion:


Jamais plus jamais est un bon divertissement des années 80 qui a su éviter les délires de son producteurs mais qui a oublié d'être un James Bond, ou du moins le James Bond sérieux qu'il voulait être.
C'est une bonne parodie de James Bond.

Frenhofer
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le 3 juil. 2016

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Frenhofer

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