Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais et Claude Rich, un grand film perdu dans les remous de Mai 68

Il est des films magnifiques qui n’ont pas le destin qu’ils méritent, Je t’aime, je t’aime d’ Alain Resnais dans lequel Claude Rich qui nous a quitté récemment a trouvé l’un de ses plus beaux rôles est de ceux là. Peu de temps après Alphaville de Godard et Farenheit de Truffaut, cet exercice de Science fiction onirico philosophique, avait tout pour séduire, les remous sociaux de Mai 68 en décideront autrement, rendant désuette cette plongée dans la psyché d’un homme brisé par un chagrin d’amour. Histoire d’une rencontre ratée avec le public.


Avec les événements de Mai 68, pour la première depuis l’occupation, le festival de Cannes est officiellement annulé. On connait la chanson, Godard et Truffaut protestant contre l’éviction de Henri Langlois, l’archiviste rabelaisien de la cinémathèque, foutèrent une pagaille sans nom sur la scène du palais du festival, considérant qu’en pleine furie étudiante, il était légerement inconvenant de laisser parader réalisateurs et acteurs sur les marches, un tantinet déplacé de parler « travelings et gros plans » en pleine révolte ouvrière..


C’est précisément dans cette distorsion sociétale imprévue que le pauvre Alain Resnais, eu la malchance de proposer son film (écrit en collaboration avec Jacques Sternberg), fable onirico scientifique, à la maitrise parfaite mais en décalage intégral avec les aspirations d’un mois de Mai placé sous le signe de la conquête effrénée du réel.


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Le peech est aussi court qu’éclatant; Claude Ridder, modeste employé de bureau, inconsolable depuis la mort de sa femme Catrine, tuant le temps et noyant son chagrin en devisant sur les capacités insouçonnées de son taille crayon éléctrique, décide, puisqu’il n’ a plus rien à perdre, d’expérimenter auprès d’une équipe de scientifiques, un voyage dans le temps dans le but fort louable de revivre une minute de son passé et accessoirement de retrouver sa compagne disparue.


Hélas , la machine se dérègle et le voici qui traverse dans un chaos sans nom divers épisodes de sa relation tourmentée. Dans des images d’un futurisme volontairement décalé, Resnais que les méandres de l’âme humaine ont toujours fasciné, nous livre, caméra sur l’épaule, une élégante réflexion sur le temps et le sens que l’on donne aux menues évenements de la vie. Plus synthétique que les attermoiements du héros de Guermantes, moins didactique que les élucubrations Bergsoniennes sur l’écoulement de notre mémoire intime, cette ode au temps qui passe, cet hommage aux prix des choses sans prix comme dirait Jean Duvignaud, est d’une justesse désarmante, distillant une émotion poignante, vivace après bien des années.


Quadragénaire sémillant, gardant ce petit quelque chose d’une enfance inachevée, Claude Rich impressionne par son humour à froid, cette malice derrière laquelle point toujours, une forme d’élégant désespoir. Ses formules sont senties et son jeu délicat.


Ce film, élégant, discursif qui nous interroge sur cette façon que nous avons, happé dans la trivialité de notre quotidien, de ne pas toujours savoir évaluer ltéléchargement (31)‘importance des moments rares que nous partageons avec d’autres est une jolie leçon de vie narrée sans nostalgie.


Tout ce qui est beau est fragile semble nous dire Resnais, toujours menacé d’être emporté par le surgissement d’un drame imprévisible, comme l’illustre à merveille la présence incongrue d’une souris de laboratoire venue taquiner la quiétude apparente de ce couple enlacé sur la plage, pour mieux rapeller au voyageur des limbes, que tout ce qu’il revit n’est que le fruit de son imagination.


ma critique du film je t'aime je t'aime sur mon blog BartbelyEntrez une description du lien ici

verbalistik
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le 22 juil. 2017

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