Je vais mieux, le dernier métrage de Jean-Pierre Améris est encore un nouvel exemple de l’importance capitale des acteurs dans la production d’une œuvre cinématographique. Car voilà une histoire usée jusqu’à la corde, et pour continuer de filer la métaphore cordière, les ficelles du scénario sont tout de même assez visibles.


Et pourtant, on prend du plaisir à suivre les tribulations de Laurent (excellent Eric Elmosnino), un architecte prospère soudain atteint de la maladie chronique du siècle : le mal de dos. Tout y passe, la psychologie de bas étage qui essaie de donner vie à l’expression « en avoir plein le dos », la médecine parallèle dont le cinéaste se moque gentiment, les gros règlements de compte censément libérateurs…Eric Elmosnino a toujours été inclassable, avec ce je ne sais quoi qui fait que tout en épousant parfaitement ses rôles, l’acteur, voire l’homme ne disparaît jamais vraiment, avec sa sorte de fausse fragilité qui entoure le personnage. Il porte ici le poids d’un film qui aurait pu n’être qu’une comédie française de plus en apportant une subtilité dans le traitement de ce personnage accablé de partout.


Comme dans les Émotifs anonymes en particulier, Jean-Pierre Améris a cette facilité à aller chercher la deuxième couche de ses personnages, celle qui est plus enfouie, plus intéressante. Ainsi, par exemple, les parents de Laurent, un couple hyper standard qui ne sait pas se dépêtrer de ses habitudes, incapable selon son fils de considérer ce qui est extérieur à sa communauté très réduite. Là où, chez Valérie Lemercier (Marie-Francine), un tel couple est tonitruant, avec une Marie-Hélène Vincent et un Philippe Laudenbach toujours à la limite de l’excès, ici, les personnages incarnés par Lise Lamétrie et Henri Guybet sont peut-être d’autant plus pernicieux qu’ils s’expriment en demi-ton, proférant les gags et les vacheries avec l’attitude presque torve de Monsieur tout le monde. De même, Alice Pol, insupportable chez Dany Boon (Raid dingue) est transformée ici, posée, sensible mais drôle, sensuelle même.


Bien que prévisibles donc, les différentes situations décrites dans Je vais mieux ne sont jamais vraiment gratuites. Le cinéaste apporte toujours une touche de légère critique sociale, dans le milieu du travail avec les relations personnelles compliquées de ceux qui aiment ou qui détestent Laurent, avec l’influence de leur comportement sur son avenir professionnel, le milieu médical pas toujours en empathie avec l’angoisse des malades, le milieu familial ou amical tout en faux-semblants. Et surtout, le comique proposé par Jean-Pierre Améris dépasse la comédie franchouillarde du moment au mieux pas drôle, et au pire franchement vulgaire. Il y a toujours de la tendresse dans les scènes, et le burlesque cache toujours une fêlure, une insécurité


Je vais mieux n’est certainement pas la révélation du siècle, ni même le film le plus original de la semaine, mais avec son langage particulier tout en délicatesse, il est bien plus qu’un feel good movie kleenex qu’une autre comédie chasserait vite bien fait dès la semaine suivante. Son affiliation avec David Foenkinos, du roman éponyme duquel Je vais mieux a été librement inspiré, rajoute encore un sou dans le crincrin d’un certain décalage


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Bea_Dls
7
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le 4 juil. 2018

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Bea Dls

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