Pouvait-il y avoir un meilleur film dédié à Chabrol ? Jean de Florette capture l'entièreté de ce qui faisait son univers, cette ambiance qu'on ne trouve qu'à l'aune de la lavande et de son soleil bien jaune, des collines verdoyantes sur lesquels s'écrasent la chaleur et le chant des cigales. Oui, clairement, tout est bien là pour inspirer la poésie, mais c'est quelque chose d'autre que Berri veut cultiver : la vie d'un paysan et de son grand-père, dont l'opportunisme innocent va subtilement se transformer en avarice malsaine. Auteuil aura vite fait de convaincre malgré l'accent du midi qu'il prend, et Montand arbore ce masque typique des grands acteurs qui, le temps d'un visionnage, nous fait oublier leur nom.
Au milieu de tout ça, il y a Depardieu, venu de la ville pour cultiver l'authentique et alimenté – différemment mais par la même source – par le génial dialoguiste passant aisément pour un Audiard de la campagne. La femme de Depardieu joue sa femme, aussi, même si cette collaboration ne donne pas des fruits aussi prometteurs que l'arbre ne l'était. Et entre Auteuil et Depardieu, un conflit ambigu, secret longtemps gardé seulement par ses instigateurs et le spectateur, une fleur noire qui reste longtemps de la belle couleur bleutée d'une amitié crédible.
Le passage du temps, au rythme des saisons, ainsi que la signification plus profonde de la vie à la campagne sont des aspects qui sont sûrement perfectibles, mais Berri parvient à jongler entre ses décors et son histoire sans couper aucun de ses fils rouges poétiques. L'émotion est un peu trop subtile, comme un arôme de lavande intermittent, mais elle est là, elle coule comme cette fameuse source au cœur de l'intrigue, « pas plus gros que mon doigt ». Un très bel instantané animé dont l'obsolescence est délicate.
Quantième Art