Néchronologie d’un cinéma qui se meurt.


2034 :


« Eh ben, il semblerait que votre fille ait des aigreurs d’estomac. Pire, une intoxication alimentaire. »
« Mais docteur, je la nourris de tout afin qu’elle ait une nutrition parfaite. Quelle carence en est le coupable ? »
« En bons films. Tenez, en voici quelques échantillons. Vous lui montrez tout ça et elle se rétablira d’ici quelques jours. »


2020 :


Ah ! Vous entendez les couinements du nouveau-né qui vient d’apparaître au cinéma en 2019 ? On dirait que je doive passer à la maternité pour recevoir mon fardeau. Encore une gamine toute boursouflée, piailleuse, et pleine de défauts. Un monstre. Un monstre qui tire sur mes vêtements, me jette des blocs à la gueule, et me mitraille les oreilles de ses geignements sans fin.
J’ai déjà adopté un enfant. Est-ce que je dois continuer à accueillir sous mon toit tous les nourrissons posés sur le perron des cinémas ? Je vais faire une exception pour celui-là car il me rappelle sa sœur ainée.
Néanmoins, si dans le dernier film, le réalisateur pensait que mettre du métal sur une histoire religieuse le rendait exceptionnel. Il fallait forcément changer la donne ici. Ne pas refaire ce que j’ai déjà produit mais dans le cas de Dumont, l’imagination est très limitée. Cette fois-ci, énorme différence, il a juste changé le ton de la musique et enlevé les paroles chantées. Ouah. Mais quel cerveau ! Vous sentez les circonvolutions derrière ce brillant auteur ? Avec des idées aussi anticonformistes tous les deux ou trois ans, on peut dire que son cerveau carbure à l’énergie atomique.
Apparition spontanée d’un artiste de variétés avariées. Christophe et sa voix d’un ange tombé du ciel sur un vélo sans selle, nous revisite des passages longs à en mourir. Même Jean-Marie Le Pen n’oserait utiliser ce genre d’instruments de torture ! Autrefois, la questionnette, maintenant, la Chansonnette ! Bruno a développé le premier répulsif à critiques négatives ! Dès que nos oreilles entendent ça, elle se sont déjà carapatés à Tijuana, suivi par nos jambes, nos bras, puis, notre corps tout entier (hormis mon argent !) Ne soyez pas surpris que la CIA a embauché Dumont pour qu’il conçoit une série de ses films à exporter en direction des pays peu récalcitrants. Du jour au lendemain, le peuple tout entier s’est fait la malle !
Ma foi, je ne veux colporter les rumeurs et puis, c’est assez peu reluisant de pointer du doigt des théories du complot, mais j’ai cru entendre dire que faire durer un plan très longtemps, permet aux réalisateurs de combler le vide. Je sais, ce n’est pas très sérieux à moi de souligner pareil canular, et c’est une redite car j’ai pointé du doigt la même idée dans Portrait de la jeune fille en feu. Ne me croyez pas, il est sûr que dans le cerveau de Dumont, on y retrouve toute une armée d’idées, prête à enfourcher les rênes de l’imagination. Je me demande alors comment il fait pour se déplacer avec un tel cerveau ! A chaque pas, il doit gesticuler d’avant et en arrière, des bâtons sont disposés autour de lui afin que la matière grise ne s’en répande sur le sol. Il est même tellement généreux qu’il en fait cadeau aux aveugle touchés par les écrouelles qui ont apprécié ses films.
Maintenant, accueillez la nouvelle idée anti-conformiste, sortie des tréfonds de l’intelligence en barre, Jeanne sera joué par une gamine et non par l’adolescente du premier film. J’appelle Bruno Dumont, le détendeur de ceintures, car avec lui, on n’est jamais à l’abris d’un claquage des reins. Pensez-vous qu’il est possible de connaître un tel homme sans goût, sans imagination, et sans humour ? Les trois à la fois ?
Au moins, nous pouvons contempler la saison 9 et demie de la série Noob (mais moins bien réalisé). Toute la guilde des « Petites Compagnies » se sont donné rendez-vous dans la dune 340 (encore) afin de lancer leur assaut vers la tour Galamadriabuyak. Jeanne a décidément relooké son stuff avec quelques armures de meilleur ILVL ! Une armure à la Alex Kidd car elle ne bougera pas trop avec cet attirail.


« Ouah ! Jeanne ! Tu es passé niveau 100 !! GG ! Eh ! Tu peux m’aider à trouver des miracles avant de partir à Compiègne ? »
« Pas le temps Jean Pasquerel ! Je compte sur toi pour me healer durant la bataille car la dernière fois, c’était une risée totale ! On a wipé trente fois sur les anglais à Paris ! »
« Eh c’est pas étonnant ! Il ne faut pas laisser une fille mener un assaut alors que le grand Charles VII t’a ordonné de rester près de lui ! »
« Oh non, pas lui ! »
« Eh ! Gilles de Rais ! Tu veux rentrer dans ma guilde ? »
« Mais crétin, je veux plus faire partie de ta guilde ! La pucelle, elle nous fait perdre bataille sur bataille ! Laisse les mecs virils faire le boulot et retourne porter des robes la fermière ! »
« Eh bah, moi au moins, j’ai une armée de followers qui m’ont dédicacé une page entière sur wikipédia de propagandes en tout genres ! Je suis une cheffe charismatique et la nouvelle leadeuse des féministes ! Baisse d’un ton si tu ne veux pas que ta popularité descende encore plus bas. Grâce à la dernière vidéo sur mon blog qui te montre en train de violer des bébés, j’ai atteint des milliers de likes ! »
« Raoul ! Tu es le chef de guilde ! Fais quelque chose !!! J’ai été condamné au bûcher par cette sale vipère ! Prie pour mon âme ! »
« Ah non ! Surtout pas, la dernière fois que j’ai fait une demande à Dieu, il m’a excommunié de sa sainteté ! J’ai dû me récréer une foi ! Et tu sais très bien que Jeanne chipote tout avec Satan en personne ! Embête-là encore une fois, et tu vas te retrouver à danser pendant toute une journée le Tambourin sur la place d’Orléans. »
« Eh les copains ! Arrêtez de vous chamailler ! J’ai une idée, on va chasser des sarrazins ! Tous avec moi ! Allons ! Chasser du sarrazin-in ! Allons ! Chasser du sarrazin-zin ! Allons chasser, allons chasser ! »


Non de non, Gilles de Rais ne peut pas être l’ultime Apollon. Vous avez vu son faciès ? La théorie de Darwin est confirmée ! Pendant la scène de la bataille hippique (???) ou peut-être était-ce le défilé du 14 juillet, je me posais la question où il pouvait être. Regardez dans les arbres, il est probablement en train de manger des bananes ! A défaut d’embaucher des gens normaux ; car oui… prendre des acteurs amateurs, de préférence très moche, c’est un style esthétique de la classe ultime ; on a le droit à un festival de loterie génétique du bar PMU le plus proche. Entre un cubi de rosée et cinq tickets à gratter, on doit s’attendre à un freakshow tout droit sortie des bois de la Beauce à la sauce Yves Boisset. Là, c’est juste fait exprès et c’est ridicule. Groland embauche ses acteurs parmi les 99%, Bruno Dumont embauche ses acteurs dans un village guetté par le diable. A en faire pâlir une histoire de Claude Seignolle.
Ah par contre, pour la petite Jeanne, pas touche ! Avec un prénom pareil, on ne naît pas dans un pot de chambre. On est tellement en carence de réalisateurs et d’acteurs qu’on pioche les réalisateurs qui vont construire le cinéma de demain en à peine un film ! A peine arrivé à Cannes, il se retrouvait automatiquement le caleçon baissé !
« Et un prix Vigo pour mon petit Dumont ! »
A l’inverse du film précédent, le film connaît un accéléré des plus grotesques. Dans le premier film, ça dure, dure, dure… tout ça pour raconter, Jeannette va à la plage et Jeannette va à la maison. Maintenant, on a plus le temps et puis, Cannes nous jette son certain regard empli de complaisance envers les handicapés, faisons dans le fan service ! De la prose pendant trois heures, ça vous va comme ça ? C’est assez poétique ? C’est assez vivifiant dans le caleçon ? 2 tickets pour le prix d’aucun ! Un oreiller, une couverture, des boules-quies et un réveil gagnés dès votre apparition dans n’importe quel cinéma d’auteur ! Ils peuvent être réutilisables ! Cinéma Chiantissimo !
J’ai même vu un acteur se mordre la lèvre. Bah vas-y, ne te gêne pas. Je veux rentrer dans le film et le réalisateur n’y met pas du sien ! Donnez à ces pauvres acteurs quelque chose à faire ! Et ceux à qui on a donné l’ordre de paraître ridicule à chaque phrase… c’était quoi la directive du directeur ?
« Joue comme si tu étais débile ! » « Donne l’impression que ton four non refermé occupe toutes tes pensées ! » « Pense à un arbre mort ! » « Toi, bois ces litres de bibine ! » « Et toi Jeanne, joue comme si tu étais une adulte, et les adultes, jouaient tous comme des enfants. »
Et la musique qui se lance en ouvrant un manuscrit et s’arrête en le refermant. Faites au moins semblant qu’on reconnaisse nos ancêtres du cinéma, on ne fait plus dans le portrait-robot mais dans le robot-portrait de mauvais films. Pour la peine, ce film fait dans la distanciation sociale puisque je peux visiter la cathédrale d’Amiens sans bouger de mon siège. On retrouve néanmoins l’initiative de nous plonger dans un endroit joli afin de sublimer les traces de frein laissées par l’équipe du film.


Et cette introduction de personnages dans le procès !
« Eh voilà qu’arrive, le prêtre toutes catégories aux finales de Montreuil, plusieurs fois victorieux à Domrémy lors du festival de Breakdance, monseigneur … Pierre Cauchon ! »
« Mais que vois-je mon cher Jean-Philippe ? Serait-ce la ceinture dorée du concile de Nicée ? Et incroyable du séant, elle est remise en jeu ! Jusqu’alors invaincu, voilà qui rentre dans la porte de droite, le champion cantiques lourds de Torfou ! Frère Mathieu Bourat !!! »
« Nous voici ainsi, rassemblés mon cher Jean-Louis, durant cet énième festival de joute verbale, où nos participants vont s’attaquer à un cas de force majeure, eh oui, ils seront face à un ennemi de choc. Jeanne La Pucelle aidée de son manager, Pierrette la Bretonne ! Est-ce que leur rhétorique théologique vont tenir le coup face à tant de péchés ? Vous le saurez après un petit interlude publicitaire ! »


« Vous en avez marre de vivre dans la vraie vie ? Assez d’être toujours en train de regarder des mauvais films ? Avec Réveil Capétien, passez de très bonnes nuits en compagnie de vos rêves dont vous êtes le seul réalisateur, le seul scénariste, le seul critique et le seul acteur. Hibernez autant que vous voulez sans avoir conscience qu’une mauvaise période passe devant vous. Dans toutes les pharmacies. Médicament contre l'anxiété, la dépression, le suicide et l'angoisse en l'avenir. Attention, la consommation de pilules ne doit pas s’effectuer durant le 21ème siècle, ou bien le 22ème … et le 23ème.»


2034 :


« Mais papa, le docteur a dit qu’après ces films, je ne serai plus malade. (tousse) »
« Non, cela fait le dernier Oliver Stone, et tu es encore fiévreuse. Avale cette pilule et tout ira bien. Tu as juste besoin de te reposer. »
« Réveil Capétien ? (tousse) Je ne connais pas ce médicament. »
« Il te fera dormir… hiberner, si tu préfères. Là où il y aura des (tousse) bons films. »


7068 années plus tard…

Diegressif
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le 20 oct. 2020

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