Les duels énervés dans la neige sont une valeur sûre. Quand le manteau immaculé d’une nature d’apparence paisible se souille d'un rouge vif, la violence qui l’a engendré gagne immédiatement en impact. En déchirant, par une violence sèche typiquement humaine, de grands espaces bercés par un silence de tombe, Pollack livre un récit prenant parce qu'il est entièrement focalisé sur son protagoniste.


Aucun réel contexte n'est posé ici sinon celui d’une fuite du monde dit civilisé pour un retour à la nature, et c’est très certainement ce qui fait de Jeremiah Johnson un portrait d’homme réussi et plus généralement un western intemporel. Ravissant encore les mirettes de ceux qui le découvrent plus de 40 ans après son façonnage, son cœur n’est qu’un message universel, qui n’est à aucun moment pollué par une quelconque revendication de son auteur.


La touche Milius certainement, qui préfère mettre en avant les tempéraments guerriers, les principes d’acier, plutôt que faire de son personnage le porteur d’un quelconque idéal de vie pronant un retour à la nature dans ce qu'il avoir de plus utopique. Honnêtement, qui, à la fin de Jeremiah Johnson, souhaiterait troquer ses confortables pantoufles pour les bottes trouées du pauvre Redford qui gagne son statut de légende en défendant sa peau sans relâche, arrachant à cette terre qu’il comptait apprivoiser une renaissance dans la douleur.


C’est à n’en pas douter cette adversité constante que rencontre le personnage qui insuffle à Jeremiah Johnson son souffle épique. En l’espace de quelques rencontres, d’embuscades vicieuses et d’un rythme parfaitement géré, Pollack livre un western stimulant, servi par un Robert Redford impérial, un morceau d’aventure aussi touchant qu’il est divertissant, qui se déguste comme un bon chocolat chaud après une corvée de bois en plein blizzard.


A la fois pudique —c’était casse figure de jouer la carte « famille » mais son traitement sans guimauve fait mouche—, radical lorsqu’il est question de construire le mythe et dépaysant, il ne manque à Jeremiah Johnson qu’un soupçon de percussion dans sa mise en scène, les duels qui prennent place dans la dernière partie du film notamment, manquent un peu d’envergure.


En l’état, il reste néanmoins un western atypique assurément à découvrir, un sacré morceau d’aventure que tous les amoureux des grands espaces et des personnages charismatiques se doivent d’avoir vu.

oso
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le 7 mai 2016

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