Jezebel
6.3
Jezebel

Film de Irving Rapper (1951)

En 1952, le réalisateur anglais Irving Rapper retrouve Bette Davis, dirigée dix ans plus tôt dans le drame familial « Now, Voyager », pour un film policier assez particulier et, semble-t-il, peu passé à la postérité. Il est affublé en France du titre « Jezebel », ce qui est assez curieux… lorsque l’on sait que le film « Jezebel » de 1938 avec la même Bette Davis fut traduit en français par « L’Insoumise » (sans compter le fait que ce titre n’a aucun rapport avec le film, bien entendu).


Bette Davis est Janet Frobisher, une auteure à succès qui vit recluse dans un manoir aux abords d’un lac dans la campagne britannique. Séparée de son mari, ses seuls contacts avec l’extérieur sont ses promenades à cheval, ses flirts avec Larry, le fiancé de sa secrétaire, et les visites toujours inopportunes de son voisin, le brave – mais terriblement curieux – vétérinaire Henderson. Pourchassé par la police pour sa participation à un hold-up ayant mal tourné, George Bates trouve quant à lui refuge chez Frobisher, dont il va passablement déranger les petites affaires.


Le film a tout d’une ambiance "Cluedo", avec un manoir isolé dans une campagne pluvieuse, une ronde de personnages assez restreinte, mais aux individualités très marquées, et un bon lot de mystères et de manipulations diverses. L’intrigue est assez mince, mais son traitement est plutôt intéressant. Bates, en se réfugiant chez Frobisher, se fait passer aux yeux de tous pour son mari revenu de loin. Ce qui, évidemment, ne plaît guère à la romancière. Une haine viscérale et une opposition immédiate se crée entre les deux personnages, qui se livrent une lutte à mort où le moindre faux pas peut avoir des conséquences terribles. Néanmoins, il leur faut rester discrets : ni l’un ni l’autre n’a envie que les autres participants n’apprennent la vérité. Le spectateur, troisième parti, sait quant à lui un certain nombre d’éléments, mais ne possède pas non plus toutes les pièces du puzzle. Le suspense est maintenu jusqu’au bout et l’on assiste à un double-jeu intéressant de la part des deux acteurs principaux (qui étaient, à l’époque du film, mari et femme).


Sur le plan formel, le film consiste en un quasi huis-clos assez efficace. La demeure de Frobisher possède une géométrie facilement assimilable par le spectateur qui en connaît rapidement les hauts lieux : salon, bureau, chambres. La thématique des portes possède d’ailleurs une importance assez capitale dans le film ; double-battants de chaîne, portails en fer forgés ou portes fenêtres en verre, elles cloisonnent les espaces et permettent aux personnages de s’isoler à deux pour régler une intrigue. Le film, assez théâtral, repose alors sur ses dialogues, assez nombreux, entre des duos choisis de personnages, qui entretiennent des relations très différentes les uns avec les autres.


Le casting est à mettre au crédit du film. Outre Bette Davis, qui est, comme à son habitude, tout à fait excellente dans ce genre de personnage de femme autoritaire qui sait se faire doucereuse (et dangereuse), on a aussi un James Mason du pauvre en la personne de Gary Merrill. Il en reprend un peu les mimiques, sans toutefois parvenir à l’imiter totalement, mais livre une performance solide. Enfin, Emelyn Williams – qui contribua aussi à l’écriture chaotique du scénario – est parfait dans le second rôle de l’insupportable Docteur Henderson.


Le film propose un thriller efficace et intéressant, car assez original, qui exploite à merveille ses atouts : un cottage isolé et un groupe d’acteurs qui interagissent les uns avec les autres. D’une durée moyenne, mais bien dosé et sans temps mort, le film se déguste en se délectant, comme toujours, de la performance de Bette Davis et en savourant, pour l’occasion, un bon bourbon. Même si l’on ne le verra sans doute plus jamais du même œil.

Aramis
7
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le 1 juil. 2016

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Aramis

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