Ken Loach nous offre un film inégal, un drame historique qui raconte une période de la vie de Jimmy Gralton, un activiste communiste Irlandais, qui a fuit son pays, laissant sa mère seule, avant de revenir dix ans plus tard. Il est interprété par Barry Ward, un acteur quasi-inconnu, qui a des airs d'Aidan Gillen. Comme le film, le héros est très discret, le souffle de l'histoire ne se faisant jamais vraiment ressentir, c'est un peu décevant.

Jimmy Gralton (Barry Ward) revient dans son village natal d'Irlande. Un pays qui sort de dix ans de guerre civile et en crise. Il retrouve sa mère et ses amis, en aspirant à une vie tranquille et discrète.
Mais les sous-entendus, l'admiration des jeunes à son égard et des flash-back, nous présente un homme qui s'est levé face au pouvoir. Cet homme ne va pas tarder à se réveiller à nouveau, en ré-ouvrant le dancing. Un lieu culturel, ou la danse, le chant, le dessin, la musique et la lecture y sont enseignés bénévolement par les gens du village. Le prêtre de la paroisse, le père Sheridan (Jim Norton) va s'opposer à cette liberté intellectuelle, en s'alliant avec les propriétaires du coin. L'église et les riches face aux pauvres, qui n'ont peut-être pas de cerveaux, dixit ce sympathique prêtre.

L'histoire met du temps à se mettre en place, malgré la chaleur qui émane de ces sympathiques villageois. Il va falloir une scène magnifique, pour que le film donne enfin la pleine mesure de son sujet. Nous allons suivre en parallèle, le prêtre faire son sermon dans une église austère et les villageois riant dans la chaleur du dancing. Deux atmosphères si différentes, qui va se finir en drame pour l'un des deux. Le film léger jusque-là, va devenir un drame puissant.
Mais Ken Loach n'est pas un cinéaste prévisible, même si ses thèmes sont récurrents, il réussit à insérer une scène comique pour ne pas alourdir son sujet. Celle de l'évasion est formidable, tout comme sa mère. Mais c'est aussi son principal défaut. Il fonctionne par scènes, alternant le bon et le moins bon. Il n'est jamais mauvais, mais il ne nous porte pas. Les face à face entre Jimmy et le prêtre sont fascinants. Jimmy assénant cette vérité cinglante à un prêtre condescendant : "il y a plus de haine que d'amour dans votre cœur". Cela résume parfaitement le contexte de l'histoire, même si le jeune prêtre Seamus (Andrew Scott) s'élève face à cette église qui n'a aucun amour pour les pauvres, il a peu d'échos. Les riches propriétaires, tout comme la police sous la coupe de la Grand-Bretagne, se donnant tout les droits et ceux, jusqu'à l'absurde.

L'extrémisme religieux est un danger pour l'être humain, tout comme ses puissants qui en veulent toujours plus, en exploitant les défavorisés. Ken Loach est un réalisateur avec une conscience sociale, cela se reflète dans son cinéma depuis ses débuts et il n'a jamais changé de direction. Il ne lasse jamais dans son propos et même si celui-ci est un film mineur dans sa filmographie, cela reste un excellent film, surtout si on le compare à ses homologues.
Barry Ward ne m'a pas enthousiasmé, je l'ai trouvé très effacé et quelconque. Même son semblant d'histoire d'amour avec Oonagh (Simone Kirby), ne m'a guère passionné. C'est surtout le côté social, l'enthousiasme de la fille du grand ennemi de Jimmy; O'keefe (Brian F. O'Byrne); qui brille sous les traits de la rafraîchissante d'Aisling Francioisi, de scènes fortes, aussi bien émouvantes, durs que drôles, qui rend le film intéressant, à défait d'être passionnant.

Ken Loach a 78 ans, il déclaré que c'était son dernier film. J'espère qu'il reviendra sur ce choix. On sait que les artistes, ont parfois des états d'âmes, qui les poussent à faire ce genre de déclaration. Ce serait une grande perte pour le cinéma, car malgré près de 50 années de carrière, il n'a toujours pas trouvé son successeur.
easy2fly
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le 19 juil. 2014

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Laurent Doe

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