De la joie.
Ah ça je ne peux pas le renier : en sortant de ce « Jodorowsky’s Dune » j’étais jouasse.
Et pour le coup c’était de la vraie joie de cinéphile. Cette vibration que je sentais me parcourir, c’était une vraie vibration de pur septième art.
C’est à ce moment-là d’ailleurs que j’ai compris.
J’ai compris l’étincelle dans le regard de chaque personne qui m’avait parlé de ce film.
Je me suis souvenu de l’entrain de François Theurel lors de son épisode du « Fossoyeur » consacré à ce film.
Et en cela, oui, je rejoins tous ceux qui recommandent de voir « Jodorowsky’s Dune »…
…quand bien même est-il un film relativement quelconque.
Parce que oui – ne nous y trompons pas non plus – dans la catégorie « documentaire », « Jodorowsky’s Dune » ce n’est vraiment pas un étalon. Loin de là.
C’est propre certes, mais ça se contente simplement d’entremêler pendant une heure et demie les témoignages croisés en plan poitrine, le tout agrémenté régulièrement de photos ou d’artworks d’époque, rien de plus.
Oui, à bien y regarder, ce documentaire est d’une banalité assez confondante.
En fait toute l’émotion qui parvient à susciter « Jodorowsky’s Dune » chez son spectateur, il ne la génère que par un effet d’appel permanent.
On ne cesse de nous mettre l’eau à la bouche en enchaînant les discours dithyrambiques.
On n’hésite pas à dire du projet d’Alejandro Jodorowsky qu’il était voué à devenir la chapelle Sixtine du XXe siècle ; on nous cite des noms ronflants ; on nous montre des artworks qui font rêver…
En d’autres mots ce documentaire passe son temps à nous faire « tout un film » de ce « Jodorowsky’s Dune ».
Et c’est clairement ce film qui nous fait rêver : le film qu’on se fait dans la tête…
…Pas « Jodorowsky’s Dune » en lui-même.
Mais finalement, non seulement ce n’est pas grave, mais en plus je trouve ça en définitive très instructif et malin.
Si tous ces gens parlent avec autant d’entrain de ce projet c’est aussi parce qu’il n’a pas pu arriver à son terme.
Plus qu’une chapelle Sixtine, ce projet « Dune » est devenu un fantasme de chapelle Sixtine.
Et c’est au fond ce qui rend ce film si magnétique.
Il est resté à l’état de fantasme…
Dès lors peut-on en vouloir au réalisateur Frank Pavich que d’avoir cherché avant tout à s’effacer au profit de ce fantasme là, afin qu’on puisse nous aussi le toucher du doigt ?
(La réponse est évidemment dans la question…)
Et c’est ce qui fait que, malgré son affligeante banalité formelle qui fera sûrement que je n’aurais jamais envie de le revoir, « Jodorowsky’s Dune » n’en reste pas moins un film diablement pertinent.
Car c’est justement ça, le « Dune » de Jodorowsky : une promesse de plaisir qui en vient à devenir un plaisir plus grand que celui qu’on aurait peut-être eu en voyant le film.
De ce point de vue, Frank Pavich rend hommage à son sujet de la meilleure des manières. Mieux que ça, il en restitue l’essence avec exactitude.
Au final, on se dit en sortant de ce film que c’est très bien que le « Dune » de Jodorovsky n’ait jamais vu le jour, car au fond c’est ainsi que ce film est (paradoxalement) le meilleur.
Il fallait juste que quelqu’un sache nous présenter le projet comme Jodorovsky l’aurait fait afin que nous aussi on puisse profiter de ce film.
Or c’est ce qu’a fait « Jodorowsky’s Dune ».
Alors oui, quand bien même je ne chercherai sûrement pas à revoir ce documentaire (Quoi que… Qui sait de quoi est fait l’avenir ?) le fait est que j’ai pris plaisir à l’avoir vu.
Et dans les faits, du plaisir, j’en prends encore maintenant, à me remémorer ce que j’y ai vu ; ce que j’y ai fantasmé…
Or ça – on aura beau dire ce qu’on voudra – mais ça reste quand-même la marque des grands films…