C'est l'histoire du cinéma.
Je crois avoir fait le bon choix en regardant ce documentaire sur le projet Dune avant de voir un seul film de Jodorowsky, ne serait-ce que pour mieux pouvoir appréhender le personnage, sa (ou ses ?) visions et tenter de le comprendre dans ce qu'il a entrepris. Dune made in Jorodowsky est l'histoire d'un projet pharaonique, tant sur le plan matériel que financier mais aussi psychique d'adapter le roman éponyme écrit par Franck Herbert.
Le documentaire prend pour parti pris de ne pas raconter d'emblée pourquoi le projet a échoué. Les premières minutes servent d'abord à remettre les choses dans leur contexte, à expliquer qui est Jodorowsky, ce qu'il a fait, ce qui finalement nous donne un indice pour le déroulé du projet et son avortement. On rencontre donc nous les spectateurs les artistes qui ont été réunis par celui que tous qualifient de maître, voire de gourou. Certains participeront plus tard à d'autres projets de films qui eux ont pu sortir, et sont même devenus cultes comme Alien. Jodorowsky possède indéniablement un talent pour convaincre son interlocuteur de s'embarquer avec lui, même si avec le recul la chose aurait pu paraître irréalisable. Le seul qui lui opposa une certaine résistance proportionnelle à la taille de son ego aura été Dali, dont l'acceptation quant à sa participation au projet n'était lié qu'à l'idée d'être le premier à obtenir... quelque chose, là en l'occurence d'être l'acteur le mieux payé d'Hollywood. La question n'était pas l'argent, mais la soi-disant grandeur qu'il pouvait trouver dans cet acte qui en dit long sur l'artiste lui-même et son délire mégalomaniaque.
J'ai été frappée dans le documentaire par l'intervention du fils d'Alejandro Jodorowsky qui joue notamment dans El Topo, Brontis Jodorowsky qui avait l'air d'être de tous probablement le plus affecté par la non réalisation de Dune. Ses paroles laissent à penser qu'encore aujourd'hui il se demande ce qu'aurait pu être sa vie si ce film avait abouti. Brontis permet également au spectateur de saisir à quel point Alejandro était exigeant avec les personnes qui l'entouraient, et en particulier avec sa progéniture. Pendant des mois, plusieurs heures par jour, on apprend que Brontis apprenait en compagnie d'un professeur le karaté, le jujitsu et j'en passe pour correspondre à l'idée que Alejandro se faisait du personnage de Paul dans le film Dune. Les séquelles d'un tel travail sont encore visibles sur son visage lorsqu'il raconte sa préparation pour le rôle, et c'est je pense la séquence du documentaire la plus intéressante sur le plan psychologique.
En tant que novice totale au sujet du cinéma, j'ai appris des tas de choses. J'ai beaucoup ri aussi au sujet de Dali, des membres de Pink Floyd qui se sont faits houspillés par Jodorowsky pendant qu'ils mangeaient leurs hamburgers mais surtout j'ai ri quand Jodorowsky a fait part à la caméra d'à quel point il trouvait le Dune de David Lynch nul et raté, dans une espèce de mise en scène passant du dramatique (on m'a volé mon projet, mon rêve) au comique (tant pis, de toute façon ça ne vaut rien). Je me suis aussi pas mal posée de questions concernant le fameux story-board du film qui aurait inspiré des tas de réalisateurs, de Georges Lucas à Steven Spielberg. Quelque part, cela m'a déçue, notamment au sujet de Star Wars. Mais ces inspirations, avérées ou non suivent la logique de Jodorowsky qui était de créer un message se diffusant partout, à travers tous. Et même si seul le story-board de Dune a abouti, il faut dire qu'il a quand même assez bien réussi.