Dernier né de Taika Waititi, Jojo Rabbit narre l’histoire d’un jeune garçon surnommé Jojo qui s’engage au sein des Jeunesses Hitlériennes d’un IIIème Reich en déroute. Sa particularité ? Son ami imaginaire n’est autre qu’Adolf Hitler. Sur le papier très séduisant, le film promettait une avalanche d’humour noir au service de la dénonciation, toujours terriblement nécessaire, du régime nazi.

Malheureusement, le film épuise le potentiel de son improbable pitch en vingt minutes environ, glissant rapidement dans un mélo mielleux aussi peu surprenant que soporifique. Inexplicablement, ou peut-être par manque de bravoure, Waititi détourne son film et tout son potentiel comique vers une histoire d’amitié convenue et banale. Le message est beau et nécessaire, certes, mais rien ne distingue alors Jojo Rabbit d’un téléfilm de l’après-midi, si ce n’est sa réalisation soignée peut-être. Jojo Rabbit est un film fainéant, tellement sûr de sa pertinence qu’il en oublie d’être innovant, tellement certain d’être légitime qu’il en oublie d’être irrévérencieux. Légitime, le film l’est, assurément, et l’actualité nous le prouve chaque jour un peu plus. Mais la pertinence du propos est diluée dans un océan de lieux communs, une farce qui n’en a plus que le nom, et toutes les scènes d’horreur qui auraient pu faire de ce film un parangon d’humour noir et de dénonciation sont engluées dans un premier degré presque insultant pour les spectateurs. Rarement un film n’aura autant trahi son propos de base.

Les gags s’enchaînent sans conviction, s’appuyant sur des ressorts comiques usés jusqu’à la corde et quelques apparitions sporadiques d’un Hitler ni drôle ni effrayant, autrement dit sans intérêt. On sent Waititi arriver au bout de ses compétences vers la fin du film quand le seul ressort comique qu’il lui reste est le « Heil Hitler » mécanique des soldats nazis. Le film, tellement persuadé d’innover, se permet même quelques largesses historiques au service du drame, qui laissent entrevoir le véritable visage de ce long métrage : une farce pas si grotesque, un drame pas si attendrissant, une sorte d’entre deux raté, mélange incongru de La Liste de Schindler et Papa Schultz.

Reste alors la réalisation, soignée, pas sans rappeler Wes Anderson, bien que transformer l’Allemagne du IIIème Reich en une sorte de parc d’attraction coloré et propret interroge quant à la pertinence des décors utilisés. Côté casting, tout le monde semble en grande forme mais difficile de jouer avec conviction ces blagues potaches et sans envergure. Ainsi, Rebel Wilson et Sam Rockwell font de leur mieux en nazis de cartoon. C’est encore Scarlett Johansson qui s’en sort le mieux, dans son rôle de mère pas si docile que cela. Mais la véritable du star du film c’est Jojo, interprété avec brio par le jeune Roman Griffin Davis, seule vraie trouvaille de ce long métrage aussi décevant que pertinent dans son propos.

Rajoutez par dessus tout cela une bonne dose de pop culture version allemande, avec une jolie traduction de David Bowie, et vous obtenez Jojo Rabbit, le service minimum du cinéma, un film nécessaire mais flemmard sur un propos toujours d’actualité mais traité avec un manque d’implication fort dommageable. En somme, un immense gâchis.

matoulpb
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le 5 juin 2020

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