Difficile de ne pas frémir d'impatience à l'idée d'aller voir LE film dont tout le monde parle ! Performance de dingue, partis pris cinématographiques solides, adaptation de comics et miroir de notre société contemporaine, ce Joker de Todd Philipps a de quoi brasser un très large public. Personnellement, je rejoins l'avis général ; le spectacle est fort, servi par une incarnation puissante qui dérègle les codes des blockbusters de super-héros habituels. On en oublierait presque qu'il s'agit ici de l'apogée du plus célèbre ennemi de Batman ! Tout repose essentiellement sur la psychologie du personnage principal qui suscite à la fois l'inquiétude et la compassion. Les antécédents sont lourds, les relations aux autres et au monde sont complexes et ambiguës et la folie ne fait qu'accroitre avec comme décor une ville de Gotham glauque et pourrie. Joaquin Phoenix est métamorphosé, habité, sensationnel en icône des méprisés de la société. Son personnage est si convaincant qu'on en perd nos repères. Pour preuve, quelques scènes m'ont vraiment mis mal à l'aise ou ont provoqué des rires nerveux que j'ai rarement eu l'occasion de ressentir au cinéma. D'ailleurs, l'atmosphère sonore et musicale, très prégnante, omniprésente voire étouffante, nous submerge et participe activement à ce malaise ! Entre tubes guillerets d'un autre temps et ambiance chargée et obscure propre à la noirceur de ce clown corrompu. En soit, Joker est un violent appel au chaos, non sans humour (noir), qui fait cogiter et qui laisse une marque indélébile, que ce soit par l'urgence de son message politique, effrayante d'actualité, ou par le rire incontrôlable de son martyr. Néanmoins, j'ai ressenti quelques longueurs et en y réfléchissant, je regrette un peu la sur-victimisation "gratuite" du personnage qui a tendance à nous faire oublier qu'il est fou, nous obligeant à accepter son pétage de plomb. Outre cette observation post-visionnage, Joker est un grand film, cruel et politiquement choquant, qui n'a surement pas fini de faire parler de lui !