Le lion qui veut se faire aussi gros que Scorcese.

Critique initialement publiée sur Le Con, Le Culte et Les Ecrans


Il y a beaucoup de mystères en ce bas monde. Que se passe-t-il dans la zone 51 ? Où est Dupont de Ligonnès ? Pourquoi Anne Roumanoff ? Ou encore comment en est on arriver à un stade où le bras armé de la justice exécute ses concitoyens en toute impunité.


Pour autant, le mystère du jour est le suivant : comment Joker, un film de super-vilain, a-t-il bien pu repartir avec un Lion d’or à Venise en 2019 ?


Le personnage est connu de tous, super vilains emblématique de l’univers DC, reflet fou et sombre du chevalier noir, pervers narcissique d’une violence sans borne il est sans nul doute au Panthéon des vilains de comics et même des vilains de cinéma grâce aux interprétations de Romero, Nicholson, Hamill ou Ledger.


Ici, c’est Joachin Phoenix qui tente de succéder à la médiocre prestation de Jared Leto et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’en sort avec les honneurs.
Effrayant et effrayé, brutal et compatissant, mutique et volubile, il cerne avec une certaine justesse un personnage dont l’essence est difficile à extraire d’un comic book. Alors oui, il frôle le surjeu assez régulièrement et la mise en scène insiste beaucoup sur sa perte de poids comme d’un gage de qualité niveau actorat, mais ce sont deux défauts mineurs pour une incarnation réussie.


Visuellement, on nage aussi dans la piscine de la réussite avec une mise en scène très efficace, une image assez sublime et un New-York pardon Gotham puant et grouillant. Surprenant de la part du réalisateur des very bad trip (dont le deuxième reste encore un des films les plus laids du monde), la surprise n’en est pourtant que plus agréable.
L’intention de se détacher des canons super héroïques est elle aussi diablement intéressante, mais hélas, trois fois hélas, c’est ici que tout s’étiole.


Produit originellement par Scorcese (qui s’est retiré du projet depuis), le film est clairement un hommage à Taxi Driver, La Valse Des Pantins et Mean Street. Sauf que le principe d’un hommage et d’être discret ou en tout cas subtil. La subtilité le film en est pourtant totalement absent. Plutôt que de rendre hommage à Scorcese, il le pille, s’en sert d’un appui plutôt que de le transcender. Ce ne serait pas bien grave si le film ne faisait pas pale figure par rapport à ses ainés, la, il souffre diablement de la comparaison. Des Béquilles pour marcher ce n’est pas ce qui manque avec ce twist fight clubien ( et nullissime) qui arrive en plein milieu du film et qui surligne les énormes problèmes d’écriture du projet et ces dialogues dignes de légendes instagram (« Avant, je me disais que ma vie était une tragédie. Je me rends compte que c’est une comédie » je ne m’en remets toujours pas).


Toujours dans les problèmes d’écriture, le film s’éloigne le plus possible des Batman « classique », mais nous impose la famille Wayne et des références visuelles dans tous les sens, effrayé de ne pouvoir fonctionner en solitaire. C’est non seulement une trahison de la promesse initiale en plus d’être une insulte aux spectateurs considérés comme trop obtus pour savourer le film sans qu’on lui balance à la gueule ses références nerds préférés.


Le dernier reproche est lui auditif. À force de vouloir se légitimiser comme un grand film, il en devient effrayé par le vide et le silence. De ce fait, jamais la musique ne s’arrête, on est noyé sous un brouhaha de violons, de rires de cris, une épuisante machine très très vaine.


S’il y a une certitude c’est que Joker n’est pas un mauvais film. De cela en découle une deuxième : il n’est pas non plus un grand film. Projet ambitieux mais peu subtil, volontairement nihiliste mais consensuel en diable, il resterait une petite expérimentation pas désagréable s’il ne jouait pas au forceur a balancer ses références pour compenser son écriture.


Braquage total, Joker est un film qui se vante de courir un marathon alors qu’il a besoin de béquilles pour enchaîner deux pas convenablement. Un film « non mais c’est profond » qui arrive 20 ans après Fight Club et qui en suivra sûrement le même destin.
Il aura sans doute aucun les mêmes fans casse burne , incapable d’écouter une phrase sans t’interrompre pour expliquer le nihilisme , le sens du cinéma qui dérange ou la profondeur du monde .


Et concernant le mystère de ce Lion d’or, il reste total.

AdrienGarraud
6
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le 6 juin 2020

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Adrien Garraud

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