Analyse interfilmique du film (Taxi Driver, The King of Comedy...)

Le film joker est marqué par ses nombreuses relations interfilmiques comme nous allons voir avec pour commencer The King of Comedy montrant le personnage du Joker comme figure pathétique et comique raté. Puis avec le film Taxi Driver mettant en avant une catharsis de la violence.


Premièrement on va voir que le film est très inspiré de La Valse des Pantins et que le personnage d’Arthur constitue en partie une transformation filmique du personnage de Rupert Pupkin. En effet, beaucoup de scènes et d’aspect sont conjoints dans l’écriture des deux personnages, les deux ont cependant de grandes différences et nous allons donc commencer par établir une analyse comparée des deux personnages. Arthur a un humour qu’on peut qualifier de transgressif, en effet en passant en direct à la télé, l’objet de sa blague est la mort de quelqu’un. Murray et les invités sur le plateau le réprimandent directement ayant pour argument qu’on ne peut pas rire de tout. Cette scène interroge les conceptions normatives établis par notre société, elle définit ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas. Arthur fait face à cela tout le long du film, on peut l’identifier comme un comique raté n’arrivant pas à faire rire avec ses blagues mais paradoxalement on rit de lui. Murray en l’affichant en direct dans son émission devant des millions de téléspectateurs il devient l’objet de rire et de moqueries contre son gré. En cela, Arthur s’inscrit dans une figure du pathétique. C’est aussi le cas de Rupert Pupkin qui malgré son accession à la gloire à la fin du film à enchaîner les situations pathétiques comme en témoigne son prénom constamment écorcher. En ce sens la, avant de réussir à exister en kidnappant Jerry Langford on peut donc ce dire qu’à la manière d’Arthur il n’existe pas. Son prénom est écorché, celui d’Arthur n’existe pas, l’un comme l’autre existe réellement aux yeux du monde à travers leur nom de scène : The King of Comedy et Joker. La scène de fin de Joker intervient alors comme une transformation filmique de la scène de fin de La Valse des Pantins, reconfigurant alors la réussite des deux personnages à passer à la télé mais de manières différentes. Tout d’abord nous pouvons voir que les choix des acteurs sont dans cette scène vecteur de sens. Robert De Niro étant l’acteur incarnant Rupert Pupkin et Joaquin Phoenix à l’un des films dans lequel il joue: “I’m Still Here”. Film documenteur dans lequel il montre comment pendant 2 ans il a fait croire à Hollywood qu’il arrêtait sa carrière dans le cinéma pour devenir rappeur. Dans ce film, une scène montre le passage de Joaquin Phoenix dans l'émission de David Letterman qui va s’employer à se moquer de lui et sur sa nouvelle carrière. Scène montre un aspect négatif de la télé n’ayant aucune pitié à humilier publiquement quelqu’un afin d’attirer de l’audience. Cette scène intervient alors comme emprunt diégétique du film I’m Still Here mais aussi à la persona de Joaquin Phoenix mettant en exergue une satyr du monde de spectacle, de la télévision comme l’a fait The King of comedy. Les deux admettent leur crime en direct à la télé et ça va leur apporter une certaine gloire. Premièrement Rupert Pupkin devient célèbre et son émission en sortant de prison est un franc succès. Et Arthur quand à lui soulève une foule de gens en colère contre le système et il devient la figure héroïque contre la répression et contre les élites ne levant pas le petit doigt. A travers deux actes horribles, ses personnages pathétiques réussissent à gagner en pouvoir et deviennent des figures d’influence. Les motivations des deux personnages sont similaires, ils choisissent tout deux de révéler leurs crimes dans la volonté d'être roi une heure plutôt que plouc tout leur vie”. On va voir que cette volonté de gagner en puissance provient avant tout de la dimension pathétique des personnages fantasmant la réussite ou tout simplement d’exister (Rupert/Arthur). La première approche des deux personnages avec un pistolet fait place à un emprunt diégétique puisque pour tout les deux il leur échappe des mains (Rupert le fait tomber par terre et Arthur tire par accident sur son mur). La couleur jaune est très présente dans les deux films, comme on peut le voir avec le costume de Rupert ou le jaune ambiant dans l'hôpital d’Arkham City ou même dans la typographie du titre de Joker. Le jaune représente la folie et celle-ci est présente dans différentes scènes dans les deux films. La folie est plus mesurée du côté de Rupert et se résume à son besoin pathologique d’accéder à la célébrité. Arthur a une vision imaginaire fantasmée de lui étant sur un plateau télé mais cette scène témoigne surtout de l’absence de figure paternel qu’il transpose à travers Murray. Rupert a de l’affection pour Jerry Langford, qu’il voit comme un mentor mais cependant son désir de passer à la télé va au delà, il fantasme même d’être au dessus de Langford. La première scène fantasmée de Rupert n’est pas pas de passer à la télé mais d’être considéré comme supérieur par Jerry et d’ainsi devenir le “roi de la comédie”. Le personnage apparait comme totalement déconnecté de la réalité, s’entrainant alors avec une maquette de Jerry Langford chez lui comme s’il était en pleine émission. Scène totalement absurde qui est opposé à celle dans le Joker ou il se prépare à passer dans le show de Murray. Dans cette scène, la dimension pathétique annonce une fin tragique, Arthur ne fantasmant plus de passer dans l’émission de Murray pour briller mais pour mettre fin à ses jours en direct. Le sourire qu’affiche Arthur une fois s’être tiré pour de faux une balle dans la tête montre un point de non retour, une jouissance cathartique face à la folie du personnage qui accepte sa vie comme une comédie et non une tragédie. La mort transcendant dans un premier temps l’aspect tragique étant donné qu’il va pouvoir choquer le spectateur et correspondre à l’humour noir inhérent au personnage du Joker dans les comics (acte avec volonté transgressive). Ainsi le personnage d’Arthur Fleck apparait comme étant le miroir du personnage de Rupert Pupkin, montrant la volonté de transposer le film dans un univers scorsesien.


Deuxièmement nous allons voir que le film opère au niveau de sa narration à une transformation filmique du film “Taxi Driver” présentant la violence comme objet exorcisant la catharsis. En effet Arthur et Travis sont deux personnages similaires, ils sont en effet victime de la solitude, de l'indifférence de la société dans une ville de New York dépeinte comme déprimante et crade. Arthur représente la masse précarisée, il est victime à de nombreuses reprises face à cette masse de manière violente (quand il se fait voler sa pancarte, discrimination au boulot, mère qui l’empêche de faire rire son fils). La violence de cette masse précaire est inhérente au fonctionnement et traitement de cette société. Arthur va devenir la figure héroïque, l’étendard du peuple opprimé et va renverser cette violence pour en faire l’objet d’une révolution. La fascination autours d’un clown ayant tué des riches visible par les titres des pancartes des manifestants ou encore dans les titres de journaux : “Kill the rich”. La violence se présente alors comme un exutoire provoquant chez le spectateur une fonction cathartique. Le film comporte une dimension subversive, toutefois il ne cherche pas à glorifier le personnage du Joker mais le film permet de s’identifier à Arthur provoquant donc de la pitié et frayeur chez le spectateur. La fascination pour le personnage de Travis se crée au moment ou il prend possession d’armes de la même manière que Arthur qui une fois avoir tué se sent libéré. La colère d’Arthur est ressentie par le spectateur, ne justifiant en aucun cas le seuil de violence dépassé par le personnage mais c’est en cela que la violence fait l’objet d’une catharsis. La danse se présente alors ici comme une affirmation de soi, un moyen d'extérioriser le sentiment de puissance ressentis par Arthur en lien avec l’accomplissent fantasmatique de la violence. Ainsi la première scène faisant transparaître la volonté de Travis d’assouvir son désir de puissance est la scène culte où il se regarde dans le miroir avec un pistolet. Le miroir dans cette scène incarne la quête narcissique de Travis, dans laquelle la violence, figuré par le pistolet représente le meilleur moyen de s’affirmer. Nous pouvons voir dans Joker, deux emprunts diégétiques à cette scène. La première montre Arthur qui juste après avoir fait l’acquisition de son pistolet se met à danser avec un pistolet dans la main devant le film “Shall we dance” ce qui constitue une citation filmique. Fred Astair a été au cinéma une grande idole pour de nombreuses personnes, Shall we dance restreint la mise en scène et l’écriture cinématographique au profit de la danse (courant que porte avec lui Fred Astaire). Incarnation de la joie de danser d’Arthur dans le film présente une dimension pathologique et lié à la fantasmatique du meurtre. La puissance dévastatrice de l’émancipation transgressive du personnage aux normes de la société se construit autours de la danse. La citation filmique permet de corréler la danse d’Arthur et de Fred Astair s’opèrant dans les deux cas dans une purgation des passions. La deuxième scène est celle où juste après avoir assassiné les 3 employés de Wayne entreprise dans le métro, Arthur se retrouve devant un miroir et se met à danser en effectuant des gestes lancinants. Et qui montre d’un côté la fragilité psychologique du personnage face à la violence du monde extérieure et d’un autre côté le début de l’acceptation de cette violence dans l’objectif de la transcender. De la même manière que dans Taxi Driver, le miroir représente alors pour Arthur le besoin narcissique de puissance face à la dureté du monde extérieur. Il a l’arme du crime dans les mains montrant une certaine jouissance déjà éprouvé par la mise à mort de ses oppresseurs et donc l’accomplissement fantasmatique du meurtre. Un emprunt diégétique a lieu aussi quand Arthur fait le geste du pistolet sur sa tempe à plusieurs reprises, on retrouve ce motif dans “Taxi Driver”. Ce motif montre tout le désespoir des deux personnages qui pour exister ne peuvent que se détruire eux mêmes, Travis affrontant la mort consciemment en voulant tuer un grand nombre de personnes et Arthur voulant se suicider en direct à la télé. Autre citation filmique qui marque le propos de la marginalisation du personnage c’est celle de les Temps modernes, dans lequel Chaplin qui n’arrivant pas à vivre avec son temps décide d’aller de lui-même en prison à la fin. On peut voir une référence possible avec la scène de Joker se déroulant dans l'hôpital d’Arkham ou un homme dit à Arthur que parfois certaines personnes s’enferment volontairement quand ils ne savent pas où aller. Film contre le capitalisme, sourire de Arthur qui manifeste un plaisir cathartique face au soulèvement des foules devant le théâtre. Sourire aussi présent en regardant le film, probablement parce que la scène le fait rire mais aussi surement par rapport à la dimension sociale. Le sourire disparait quand il voit Thomas Wayne, symbole de la société aliénant et du capitalisme (il qualifie les pauvres de clown). Chaplin était un artiste contestataire et pourtant le public qui observe le film est rempli de bourgeois. Le parallèle est d’autant plus fort qu’à ce moment du film, à l’extérieur de la salle ou le film est projeté, une horde de personnes en colère affluent autours du théâtre (l'indifférence des gens riches qui se délectent du spectacle de la misère sociale en regardant un film contestataire).


Pour conclure nous pouvons voir que les relations interfilmiques marquent le propos du film de Todd Philipps l’intégrant dans le même mouvement que A Beautiful Day c’est à dire en rendant hommage au cinéma de Scorsese tout en créant une propre identité au film.

Créée

le 2 août 2020

Critique lue 127 fois

El Mathox

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