Depuis maintenant quelques mois, la "hype" s’était installée pour le film Joker. Cette intensification de l’hyper médiatisation ainsi que l’obtention du Lion d’or à la Mostra de Venise en septembre dernier, vrai gage de qualité supplémentaire, procurait donc une certaine excitation et une envie soudaine auprès des spectateurs jusqu'à sa sortie.


Donc après visionnage, Joker est-il un film abouti ?


Oui, pour ma part.


Si Taxi Driver et La Valse des pantins de Martin Scorsese sont sources d’inspiration et influent sur la réalisation de ce récit sombre, Todd Philips propose néanmoins une oeuvre personnelle, riche et réussie sur tous les plans. Le scénario, sans être révolutionnaire dans son déroulement, se révèle satisfaisant. Parfois la simplicité empêche les incohérences et les histoires sans fin concluante. Ici, la maitrise est totale en dépit de sa linéarité.
En effet, ces qualités nombreuses parviennent ainsi à trouver un juste équilibre avec le scénario, rendant l’ensemble sérieux et crédible aux yeux du spectateur.
A savoir, une ambiance sonore fantastique, inquiétante et associée superbement avec les images (l’OST rappelant Game of Thrones à certains moments), une atmosphère sinistre et funeste, une photographie, raffiné et minutieuse ou encore une réalisation élégante se mariant admirablement avec la ville sordide et oppressante qu’est Gotham City.


Ville où Arthur Fleck, en pleine quête identitaire et existentielle, tente de trouver sa place malgré l’austérité dont font preuve les habitants au quotidien et le désintérêt permanent de la classe distingué. Sa psychiatre lui dit clairement : « We don’t care about people like you ».
La scène où l’élite regarde Les Temps Modernes de Charlie Chaplin est l’illustration parfaite du contraste fort et absolu auquel la phrase ci-dessus fait référence. En effet, ces gens viennent se divertir mais rient, sans gêne, d’un ouvrier d’usine travaillant à la chaine. Peut-être une interprétation forte ou excessive de ma part, en tout cas je l’ai ressenti de cette façon. Cela confirme également le souci du détail extrêmement développé du réalisateur dans ce film, qui à travers différents procédés nous laisse le choix de réfléchir à une pensée, de l’approfondir, de méditer tout simplement.


Arthur Fleck est donc le modèle de l’homme triste rongé intérieurement, condamné à vivre dans la solitude jusqu’à la fin de son existence. Le rythme lent du récit accentue durement sa descente aux enfers. Une sorte de contemplation face à la représentation de la folie doublée d’une intense souffrance spirituelle.
« All i have are negative thoughts »


Joaquin Phoenix, au sommet de son art ?


Démentiel, hors du commun, bluffant, magistral et j’en passe. Tant de superlatifs pour définir la performance d’un acteur totalement habité corps et âme dans son rôle. Le look, la voix, les gestes, les regards, les grimaces, les sourires, les silences. Tout est tellement fin et précis.
Son extrême maigreur, renforçant le côté déchiré du personnage, n’est pas sans rappeler celle de Christian Bale dans The Machinist, interprétant Trevor Reznik, un solitaire insomniaque.
Quant à son rire, flippant, perturbant et très présent tout au long du film, il est un motif supplémentaire pour l’enfermer dans cette solitude dévorante et dramatique. Rire qui, j’en suis convaincu, subsistera un long moment dans l’esprit du spectateur. Quel talent !
Rarement vu un personnage nous laissant ce sentiment de peur et de crainte à l’écran, avec cette démarche atypique montrant toute sa souffrance physique ainsi que ces danses donnant des frissons tellement les scènes sont fortes et sublimées par l’acteur, particulièrement celle des toilettes symbolisant la fin d’Arthur et par conséquent l’essor et l’élévation du Joker.


Ces actes de violence, d’une grande férocité, témoignent de la montée en puissance du personnage dont le combat profond et reclus se transforme en mission contre un système impassible et inactif sur la gestion humaine des personnes en marge de la société, les délaissés, les abandonnés, les isolés du monde.
Avec la scène finale, déluge de folie provocant le chaos général, Arthur Fleck en tant que Joker se sent vivant, existant, éveillé et trouve enfin sa place dans un monde désespérant pour lui.


Conclusion


Grosse claque que m’a donné ce Joker tout en nuance qui s’impose donc comme un film d’auteur majeur de la décennie et un film d’anti-héros tragique, mélancolique, obscur, virulent et dérangeant. Magnifique expérience cinématographique !


Dans le top 3 de l’année sans hésitation possible, avec Parasite et Green Book.


« Knock Knock… »


Note générale : 8,5/10

Affranchi06
9
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le 14 oct. 2019

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Affranchi06

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