Il n'y a rien de pire que d'aller voir un film dont on a de grandes attentes et qui se révèle au final médiocre. Mais l'inverse est proportionnellement vrai.
Voilà un film que je m'attendais à snober violemment, et plus encore au vu de son énorme succès commercial, dont l'insupportable buzz, si caractéristique dans sa forme contemporaine, m'avait remonté comme une pendule ("oscillant de gauche à droite, de la souffrance à l'ennui.."). Bien heureusement, il me reste un peu d'honnêteté, et je dois dire que j'ai été au final très agréablement surpris par ce Joker.


Je me souviens avoir bondi quand j'ai pu lire des comparaisons avec Taxi Driver, ils avaient osé. Bien que des phrases d'accroche du type "Le nouveau Taxi Driver" demeurent lassantes, je n'ai pu m'empêcher d'en faire la comparaison à quelques égards, notamment durant la première partie du film. Les deux métrages ont en effet des choses que l'on peut dire communes. Je pense évidemment au personnage, sa solitude, sa dépression et son incapacité à évoluer dans un monde, qu'en tant que spectateur, nous trouvons abjecte. Bien qu'étant tous deux des marginaux (l'un dépeint de manière plus réaliste, l'autre personnage de comics), on a de l'empathie, on s'attache et on a l'impression que ce sont tous les autres les fous. Egalement la comparaison avec ce qui cristallise cet environnement horrible, les villes de New York et de Gotham qui constituent ce qu'on peut appeler l'extérieur, et qui dans les deux cas est déliquescent.
Cela dit les comparaisons s'arrêtent évidemment là, et c'est plus le sentiment général, qui reste assez personnel qui m'a fait malgré moi connecter ces deux films, ou du moins certaines raisons pour lesquelles je les ai aimé.


Le Joker est avant tout une expérience sensorielle assez puissante et c'est ce qu'il souhaite, c'est pourquoi malgré un scénario qui reste critiquable à bien des endroits, ce n'est pas ce qui va constituer le fait de sortir du film, comme ça peut être le cas pour d'autres métrages ou à la moindre bourde d'écriture, on n'est déjà plus là.
Je me passe des louanges faites à Joaquin Phoenix, il est complètement magnétique. Mais il est surtout bien écrit, ce qui fait que l'on se retrouve avec des scènes de quelques secondes qui sont de pures merveilles d'expérience de spectateur.
Je passe sur l'esthétique n'étant pas le meilleur technicien, mais globalement, une photographie magnifique, et une mise en scène résolument au service de l'acteur principal, ça ne m'a pas gêné.
Ce que j'attends aujourd'hui d'un film, c'est d'être bousculé, violenté, secoué, désorienté, de le ressentir physiquement et celui-ci a réussi, beaucoup mieux que je ne lui avais à priori concédé.


Et c'est là mon dernier point, qui rejoint ce que j'en disais en intro, j'ai été secoué parce que j'étais parti avec l'apriori que de toute façon "film ricain, faussement subversif, typique de cette époque" etc. En fait, je m'étonne assez de pouvoir mettre mon sarcasme et mon aigreur de côté et me réjouis qu'un film de cette trempe, violent visuellement, et surtout psychologiquement, d'une profondeur certaine (si on le compare) puisse avoir été autant apprécié, je trouve que c'est plutôt bon signe pour la suite. Aura t'on enfin passé cette décennie de médiocrité Marvel, DC (et pas que, parce que perso, je m'en fous des super héros, je veux juste voir des films qui me plaisent...) ? Rien de moins sûr, évidemment, mais le Joker nous autorise à le fantasmer.
Hormis pour les détracteurs n'ayant pas réussi à mettre leur sarcasme et leur snobisme de côté, et qui malheureusement subissent les mêmes déterminismes que l'anti héros du film, il faut quand même se rappeler, pour les autres, qu'il s'agit bien d'un personnage de comics, et qu'ainsi, certaines choses paressant poussives ou irréalistes se voient plutôt cohérentes dans la diégèse de Batman.


Donc pas parfait, surtout pas, mais très bon globalement, et qui ne laisse pas indifférent, contrairement aux milliards de bouses qui pullulent outre atlantique...

Gerwin
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le 18 févr. 2020

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Gerwin

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