D'abord reçu avec perplexité (Warner Bros. nous proposant un film solo n'intégrant pas l'univers cinématographique DC mis en place depuis Man of Steel) et méfiance (Todd Phillips à la direction et le souvenir du consternant Suicide Squad), Joker aura finalement su piquer la curiosité (Joaquin Phoenix dans le rôle titre et les premières photos de tournage), développer un intérêt grandissant (les bandes-annonces plus que rassurantes) jusqu'à en devenir le film à voir absolument cette année (le Lion d'or à la Mostra de Venise et les critiques élogieuses).
Cette nouvelle itération du Joker débarque donc sur les écrans, précédée d'une réputation de quasi classique instantané. Si le film n'est pas le chef-d'oeuvre annoncé, il n'en reste pas moins une proposition plus que bienvenue, loin, très loin des adaptations de comics grand public servies depuis des années. Joker s'éloigne ainsi des blockbusters super-héroïques traditionnels pour se rapprocher du film d'auteur. Porté par la vision de son réalisateur (Todd Phillips étant à l'origine du projet) et l'interprétation sans faille de Joaquin Phoenix, Joker donne matière à réflexion, sans pour autant laisser le divertissement de côté.
Le film est ainsi le portrait intime et glaçant d'un homme qui voudrait s'insérer dans la société par le travail, soigner ses troubles, subvenir aux besoins de sa mère, trouver l'amour, réaliser son rêve de devenir humoriste et se trouver un père de substitution. Accumulant les déboires, les déconvenues et les désillusions, Arthur Fleck sombre et embrasse progressivement la folie. Il devient alors le symbole d'un mouvement de contestation qu'il aura engendré malgré lui, mais qui couvait depuis bien longtemps dans les rues d'une Gotham en pleine déliquescence.
Se raccrochant à la mythologie "Batman", le long-métrage de Todd Phillips propose une origin story plus que satisfaisante. D'autant que le doute subsiste quand à la véracité du récit, les troubles affectant Arthur Fleck l'éloignant parfois de la réalité. Une manière de dire que le personnage reste insaisissable. L'essence même du Joker. Mais le film pourrait tout aussi bien fonctionner sans les éléments tirés des comics, grâce au réalisme de son univers et au sérieux du traitement de ses nombreuses thématiques.
Reste à voir si cette formule plus que gagnante (auprès du public comme de la critique) pourra s'appliquer à d'autres personnages issus des comics et à espérer que Hollywood en fasse bon usage...