Les Wachowski sont fou .
Depuis toujours , les frangins n'ont eu de cesse de défendre pour un type de cinéma à la fois populaire , militant, et expérimental .
Cependant , bien que leur style visuel ait révolutionné la grammaire cinématographique , au point d'être pillé sans vergogne , leur approche radical a toujours eu du mal à trouver preneur auprès de la critique (du moins , durant les premiers mois d'existence de leurs films) ou bien du grand public , dont les attentes ont été constamment détournés .
Le premier Matrix , est la seul exception ayant réussi à mettre quasiment tout le monde d'accord , que ce soit bien sûre pour sa direction artistique totalement inédite , son patchwork référentiel usé à bon escient pour créer un univers riche et non pour étaler sa culture ,un discours post-moderne des archétypes des grandes fresques mythologiques (et , par conséquent, des travaux de Joseph Campbell ) .
Ses deux suites , moins organiques et plus virtuels , avec ses ambitions d'écritures radicaux mélangeant philosophie et vidéoludisme , son jusqau boutisme des théories de Campbell (à l'inverse de George Lucas qui avait fait machine arrière sur Star Wars et avait fai du Retour du Jedi un Happy-End sans prendre de risque) auront désarconnées le public .
Même chose pour Speed Racer , film de course automobiles à grand spectacle dont les niveaux de lecture militantistes (l'histoire d'un pilote/peintre/artiste passionné au point d'en être presque autiste pour sa passion , et voulant faire plier les conglomérats capitaliste/académies/studios qui briment l'art ) , son montage sans précédant et son style inspiré du mouvement artistique superflat ne l'auront pas empêcher d'être un flop commercial sans précédent , taxé de bouillie numérique immature et vide de sens , avant d'être considérer (parfois par les même qui l'ont bashé) comme une oeuvre avant-gardiste incomprise .
Pour le très humaniste Cloud Atlas ,( film indépendant racontant six intrigues à des époques et genres différentes ) , bien que les avis fut partagés (dont un titre de pire film de l'année attribué par le Times) , le film se créa une fanbase solide très rapidement et devint culte .
Ce succès d'estime contribua à redorer quelque peu le blason des wacho auprès des grandes majors , en particulier à la Warner qui n'hésita pas à dépenser une somme colossal pour l'achat de leur script de 600 pages de "Jupiter Ascending" , variation féministe de Matrix .
Malheureusement , les ennuis reprirent , et ce dès le départ de Jeff Robinov du poste de président du studio , et qui avait soutenu le projet depuis le début.
Depuis , la Warner fit machine arrière et sabota eux-même la production du film , qui devait être initialement une de leurs priorités , en demandant de réduire le script , des reshoots, en repoussant la sortie de sept mois , en refusant d'allouer le budget nécessaire pour mettre sur pied le gimmick visuel qui aurait pu avoir le même impact que le bullet time du premier Matrix .
Du coup , sans surprise , le film provoque des avis mitigés auprès de la presse .
Sauf que , pour la première , le débat se fait même au sein des plus fervents défenseurs des Wachowski.
Alors, énième film culte incompris en devenir ou nanar premium ?
Et bien ni l'un ni l'autre pour ma part.
Commençons par ce qui est plaisant (ça va être vite vu ):
-L'ambition narrative:
La présence du gnosticisme , de la modernisation d'archétypes folkloriques , du cannibalisme , de l'amalgame entre capitalisme et moissonage d'êtres vivants sont certes des thématiques déjà vu auparavant , mais elles confirment la cohérence d'auteurs et le statut de divertissement au discours subversif que véhicule le film (et humilie au passage les très inoffensifs Hunger Games et autres Divergente) .
-L'univers Graphique:
Comme à leur habitude , les wacho proposent une direction artistique de toute beauté et par la même occasion un des plus beaux hommages à l'univers baroque de Moebius et Jodorowski ( la BD L'incal et le projet avorté Dune) .
Cependant (et c'est à partir de là que l'on s'attaque à ce qui ne va pas , je vous l'avais dit que ça irait vite) , en dehors de l'hommage grisant , on ne trouve pas de réelles trouvailles techniques ou d'innovation du genre .
Je m'explique :
dans le premier Matrix , les Wacho avaient rassemblé un grand nombre de références issues de genres et de médium différents, les avaient digérés puis les avaient travestis à leur image pour que l'assemblage soit cohérent et singulier et donne au final ovni total , aidés par leurs obsesions thématique et leur patte visuelle inventive .
Ici , bien que l'univers soit riche et beau , on reste dans du space-opéra de base (j'ai presque eu la sensation de me retrouver devant une énumération de tous les archétypes du genre, mais cette fois sans la réapropriation personnel ) et je n'ai jamais eu la sensation de voir du "jamais vu" sur un grand écran.
Un comble de la part des Wacho .
Par ailleurs , même les morceaux de bravoure ne sont pas à sauter au plafond , si on excepte la course-poursuite dans Chicago et la stomb finale entre le perso incarné par Channing Tatum et un lézard ailé.
J'irais même plus loin en disant que c'est quelconque et ultra répétitif.
- Le montage:
Autre défaut surprenant. Alors que le découpage à la fluidité presque expérimentale est une des plus grandes forces des cinéastes, ici il est épileptique , voire même éliptique , au point de passer du coq à l'âne et de paumer son spectateur dans le temps et l'espace.
-le traitement d l'histoire:
Comme dit un peu plus haut, le script de base fait 600 pages , a été raboté et contient des notions certes classiques mais très audacieuses et complexes.
Le public cible étant les adolescents (une première pour les frangins) il n'est pas à exclure que le scénario ait été simplifié (en allant à l'essentiel dès le début) et rendu didactique pour être plus accessible .
Malheureusement , vouloir simplifier et condenser un récit aussi foisonnant en seulement deux petites heures et sans crescendo (à l'inverse du premier Matrix) ne peuvent provoquer qu'un sentiment de "trop-plein indigeste" , avec une masse énorme d'information à assimiler en peu de temps .
-La romance:
là où dans Matrix et Cloud Atlas, les romances étaient traités sincèrement et naturellement , ici , on croirait assister à une autoparodie contenant des dialogues fort embarrassants (la réplique "J'adore les chiens" restera dans les annales) .
- et enfin , l'un des plus gros points noir, le casting:
Sans être mauvais , les acteurs ne semblent pas impliqués et balancent les phrases de leur texte sans que l'on sache vraiment s'ils y comprennent quoi que ce soit .
Ajoutée à ça le montage abrupt et vous vous retrouvez devant des scènes provoquant un certain malaise affligeant (la trahison du personnage de Sean Bean) .
Bref , vous l'aurez compris ,la balance penche plus du côté de la déception pour ma part .
Déception aussi grande que surprenante , si l'on prend en compte des défauts jusqu'ici absents de la filmographie des Wachowski. Et je doute fortement que Jupiter Ascending soit réévalué dans les prochaines années .
Alors oui , Il est évident que la Warner y est pour quelque chose , mais cette fois , difficile de ne rien reprocher aux artistes .
Mais , paradoxalement (tout comme l'est la totalité du film) , je ne peux rejeter en bloc ce fascinant ratage .
Déjà pour la sympathie que provoquent les Wachowski , mais surtout pour leur volonté de continuer , quelles que soient les difficultés , à faire des propositions de cinéma de grande ampleur et totalement "autre" , à contre-courant des standards actuels et de ce que le public pense vouloir.
Alors ça n'excuse en rien le résultat final , nous sommes d'accord, mais parfois , il vaut mieux finir avec une oeuvre imparfaite mais possédant des trouvailles par-ci par-là , des idées , une "Âme" , plutôt qu'un produit léché et propre totalement vide et désincarné .
Il ne reste plus qu'au Wacho d'apprendre de leurs erreurs et de se rattraper sur leur prochain projet (peut-être sur la série "Sense8" dont la diffusion sur Netflix devrait avoir lieu durant Mai-Juin prochain ?).