Pour tout vous dire, je ne sais plus trop comment me situer par rapport aux Wachowski. J’aime beaucoup Matrix premier du nom, mais j’ai un peu peur de le revoir. Les deux suites, ça part déjà pas mal en vrille. Je n’ai pas tellement aimé Cloud Atlas malgré son ambition, pour une tonne de raisons que je n’aborderai pas ici. Reste à voir Bound et Speed Racer qui, en fait, semblent être les plus à même de me plaire (un film plus « posé » et un délire total assumé). Du coup j’attendais ce Jupiter avec une certaine curiosité teintée de scepticisme (ou l’inverse), surtout après la bande-annonce.

Et il n’y aura pas plus de surprise dans le film que dans ma critique, vu que l’on y retrouve tout ce que j’aime et n’aime pas chez les deux cinéastes. Ils ont toujours pour eux une incontestable générosité, une sincérité qui fait que l’on a envie d’y croire, de se laisser emporter dans leurs délires mixant toujours plus d’influences, pour le meilleur et pour le pire. Commençons par un des premiers problèmes du film, c’est qu’il a dû être réduit à deux heures, simplement parce que les producteurs n’avaient aucune envie d’investir des sommes colossales après les bides de Speed Racer et Cloud Atlas. On a donc un film qui en contient quasiment trois, et qui aurait pu durer quatre ou cinq heures, voire être une mini-série. On se retrouve par conséquent avec un rythme totalement forcé et bourrin, sans jamais être effréné dans le bon sens du terme.

L’introduction est peut-être l’exemple le plus parlant, avec une tonne d’infos qu’on nous balance à la figure, des personnages dont on comprend à peine les motivations et qu’on voit quelques minutes, avant de passer à autre chose. Même si ça se calme un peu après ça, il reste à subir un nombre conséquent de dialogues d’exposition, avec une Mila Kunis servant bien trop visiblement à poser les questions du spectateur, et Channing Tatum ou Sean Bean à expliquer longuement les tenants et les aboutissants du scénario. On a le sentiment que les Wachowski n’ont pas voulu laisser tomber trop de détails sur l’univers contenus dans le script de base, et ont cherché à tasser un maximum d’informations dans les deux heures, du coup on frôle l’overdose à plusieurs reprises. Difficile de croire à autant de lieux, de personnages et de concepts qu’on ne fait qu’évoquer au détour d’un dialogue, tout en ayant la sensation que le film ne nous offrira pas plus qu’un aperçu de l’univers déployé. Un peu comme si on essayer de comprendre ce que représente un puzzle en ayant une poignée de pièces devant nous, on pourra avoir une vague idée mais pas une vision claire de l’ensemble.

Tout ceci est vraiment dommage, ce qui est montré est assez varié, les décors ont de la gueule, pas mal de plans spatiaux sont juste superbes, mais les efforts monumentaux déployés à ce niveau-là (en excusant quelques détails ratés) ne servent finalement qu’une histoire bien plate et décevante, pas aidée par des dialogues balourds à souhait. Je n’ai aucun problème avec le classicisme et la revisite de schémas bien rôdés comme celui de la princesse et de son chevalier blanc, quand ça dépasse la simple structure narrative. Ce n’est malheureusement pas le cas ici, la relation entre les deux évolue sans aucune surprise, et leur dynamique se résume à « la princesse se fout dans la merde toute seule, le chevalier déboule et la sauve dans un deus ex machina de toute beauté ». Au bout de trois ou quatre fois, c’est légèrement pénible. Surtout quand elle arrive à se faire avoir par des méchants aussi prévisibles et peu subtils que ceux du film.

Malgré tous ces défauts, il reste évident que le bide annoncé du film peut être rageant comparé à d’autres blockbusters bien moins bons qui cartonnent à côté. Depuis Matrix, les Wachowski n’ont pas su rééditer l’exploit de proposer quelque chose de personnel qui attire suffisamment le public pour pouvoir financer sereinement leur prochain film, et du coup leur situation est loin de s’arranger. Mon avis sur eux n’a donc pas changé avec ce film, je reste curieux de voir quel sera leur prochain film mais sans trop y croire.
blazcowicz
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le 2 mars 2015

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blazcowicz

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