Devant cet afflux de critiques positives, difficile de résister à la tentation d'espérer voir un bon blockbuster, même s'il y a eu l'épisode Fast & Furious 7 deux mois plus tôt, sensiblement similaire en réaction. Écrivons-le d'emblée : si Jurassic World n'atteint pas la médiocrité de ce dernier, il n'en est pas non plus très loin. On aura beau dire que ce nouveau film de dinosaures critique - deux secondes durant - le système hollywoodien, cela ne l'empêche pas d'en suivre le même modèle et d'écumer alors tous les clichés possibles du bon gros film américain, façon années 80/90.
Il y a, effectivement, un sentiment de nostalgie qui intervient, 14 ans après le dernier volet décrié, plus de 20 ans après l'original. En cela, découvrir un tout nouveau parc aux dimensions impressionnantes, agrémenté de nombreuses attractions extrêmement funs, comme si Disneyland, le zoo de Beauval et le parc de Thoiry fusionnaient pour accueillir ces animaux préhistoriques, éveille indéniablement la soif d'exploration et d'aventure. Les décors sont plutôt jolis et siéent au sujet de film, et les dinosaures sont généralement bien fait, malgré quelques effets spéciaux défaillants, et ce sentiment d'image de synthèse aseptisée sur de nombreux plans. Notons également la bande-son de Giacchino, d'excellente facture, et qui parvient à faire vibrer en reprenant le thème mythique de Wiliams. Ce qui illustre assez bien l'état du film, puisqu'on se demande tout le long s'il s'agit bien d'une suite, ou alors d'un remake déguisé. Colin Trevorrow multiplie les références, les clins d’œil, et surtout des scènes de redite par rapport au premier film. Il va même jusqu'à réemployer plusieurs fois le même type de scène culte, à l'instar des héros recroquevillés qui se font renifler par la bête. Au moins, le rythme reste efficace, même si le long-métrage met bien quarante minutes avant de démarrer, après avoir fait le tour de tous les personnages creux de l'île. Car, oui, il faut le dire : aucun perso n'est intéressant, et tout ce qu'ils racontent est vain.
C'est à croire que les scénaristes ont fait le concours de celui qui écrirait le personnage le plus inutile, et ont décidé de mettre tous leurs essais dans le film. Il n'y a que Chris Pratt qui est correct, même s'il tire toujours la même tronche ; au moins il est badass. Sinon, Bryce Dallas Howard est la bécasse de service, passant d'ailleurs tout le film en talons aiguilles, alors qu'elle coure dans une forêt tropicale. Les deux gamins sont insupportables, et complètement exagérés. Tous les acteurs secondaires sont inutiles ; à vrai dire, c'est Omar Sy qui s'en sort le mieux. Et on a vraiment le droit aux personnages les plus stéréotypés de 2015 : le scientifique chinois qui expérimente, le directeur riche qui préfère risquer des vies, le chef de la sécurité qui fait ses coups en douce,... Par ailleurs tous les dialogues et les interactions entre tous ces gens sont d'un niveau abyssal de nullité, et l'humour est vraiment pauvre. Sans compter les invraisemblances à foison, que ce soit dans la logistique du parc (sécurité minime, enceintes fragiles), le comportement des persos (backstories inintéressantes, motivations futiles), ou tout simplement ce scénario qui se perd entre King Kong et Godzilla. On peut également critiquer la faible diversité de dinosaures : on voit toujours les 3-4 mêmes à l'écran.
Toutefois, ce blockbuster passe mieux que certains bulldozers du box office des mois précédents, peut-être parce que sa bêtise constante, et sa volonté d'émerveiller les enfants, le rend parfois attachant. Ça reste un film assez superficiel, très soft comparé à l'univers de Jurassic Park, qui réussit à créer une nouvelle menace plus féroce, mais l'explique un peu avec les pieds et se contente de se développer en terrain balisé, tout en glissant sa petite scène de série B pour justifier une suite.