Comparons deux films à l'affiche cette semaine, tous deux reboots d'un film dit classique. L'un est autonome, peut se passer de ses films précédents, préfère renouveler sa propre mythologie et son scénario car, comme l'explique l'Ouvreuse, "comme Miller connaît la différence entre un mythe et un doudou, il nous épargne un caméo de Mel Gibson ou le retour d'un Feral Kid adulte tout sourire face caméra." L'autre est Jurassic World, ramassis de clins d'oeils pesants faits aux admirateurs incrédules, un fan-made ridicule qui accumule les pires idées narratives que pourraient avoir des adolescents immatures: n'oublions pas que ce film raconte l'histoire d'un escadron de raptors qui partent se battre avec Chris Pratt contre un T-Rex psychopathe mutant. A cela s'ajoute la pure et simple copie de prédecesseurs, racontée de façon moins concise, moins poétique, moins efficace, bref moins bien.
« Les dinosaures n’impressionnent plus personne », nous dit-on dans le film. Après tout, les clients du parc tweetent, draguent et s'emmerdent devant le spectacle jurassique. Crise du regard dans la série de l'homme pour qui le regard humain contient l'émerveillement face au monde (https://www.youtube.com/watch?v=VS5W4RxGv4s). Annonce et aveu clair, donc, d'une médiocrité cinématographique consentante et assumée. Puisque l'émerveillement cinématographique a quitté le monde, nul besoin de tension, d'atmosphère, de scénario, d'ingénuosité et de talent. Le spectateur pourra alors s'émerveiller devant les produits dérivés, les références lourdes et appuyées au premier film et le plagiat de scènes entières. En réponse à l'ennui du regardant, le réalisateur trivialise le spectaculaire. Alors que peu de dinosaures étaient montrés dans le premier opus (justement pour nous forcer à imaginer et à rêver), le nouveau film pense négliger la qualité à la quantité: toutes les espèces sont montrées, tous les combats et toutes les attractions sont déroulés sur un tapis rouge. Aucune place à l'imagination ni à la rêverie. 4 personnes meurent dans Jurassic Park, et un seulement est mangé par le T-Rex. C'est la mise en scène et la puissance cinématographique monumentale qui fait monter la tension et qui nous fait croire que les personnages sont en danger. Le T-Rex de Spielberg restera à jamais dans nos mémoires. Les conneries jurassiques du troisième et quatrième film resteront oubliées à jamais. Jurassic World montre 22 morts à l'écran, et c'est sans compter les bonnes centaines de touristes tués par les ptéranodons dans le background. Le film nous déverse ses effets spéciaux et son aspect fan-made ridicule pour détruire toute tentative d'en faire un produit cinématographique. Tout cela sans arriver à la cheville - que dis-je, le talon ! - du premier film.
Le plus malheureux dans cette histoire, c'est la popularité du film. C'est pourtant bel et bien le produit fast-food d'un Hollywood désabusé qui pense que le spectateur est un geek idiot et nostalgique d'une ère révolue; et ces mêmes producteurs défaitistes qui au lieu de combattre cette mélancholie préfèrent se complaire dans un fan-made pro-Marvel et 80s hystérique et aveugle. Qu'on s'entende bien: en toute objectivité, c'est mauvais. La narration traîne, l'histoire n'a aucun sens, etc. Mon frère s'est endormi dans la première demi-heure et les gens étaient sur leur téléphone la plupart du temps. Alors certes, ils ont quitté la salle en disant: ce film était génial ! Oui, mais l'ont-ils vu ? Car s'il on filme ses personnages twitter lors d'une scène à grand spectacle, on ne peut pas se plaindre de twitter à son tour dans la salle de cinéma. On ne récolte que ce que l'on sème. Et s'il on sème des dinosaures mutants, on récolte de la merde. Et ma critique incendiaire.
Drop the mic'
https://www.youtube.com/watch?v=qOtTWSpCa_c