Passons sur l'histoire et l'absence totale d'enjeu (cette fois encore, seule la planète est en danger). Ce qui me frappe dans les films de super héros récents, et dans celui-ci en particulier, ce sont ces fameux héros qui semblent complètement dénués de masse, tout comme les nombreux objets soi-disant massifs qu'ils manipulent sans arrêt. En vrac : maxi hache, cure dent, immeubles, armures. Aquaman passe 10 minutes à voltiger en l'air sans toucher terre, puis atterrit en transperçant un immeuble entier et sort de là en faisant un espèce de surf sur les décombres. Batman, qui, répétons-le au cas où, n'a pas de pouvoir, se prend une droite de Superman, et en fait ça va. Voila deux exemples qui montrent que tout ce beau monde ne se promène pas sur la même planète que nous, mais flotte dans une sorte de liquide amniotique absorbant les chocs et les soustrayant à la loi de la pesanteur.
C'est gênant, parce qu'on sait bien qu'il ne peut rien leur arriver, jamais. Je ne pense pas en effet avoir vu une seule goutte de sang dans le film. Après deux heures de supposée action et deux ou trois combats contre un destructeur de planètes, on a droit à une cuisse éraflée, une épaule luxée et quelques bleus. Ça devient difficile dans ce cas de s'impliquer émotionnellement dans l'histoire, et on en reviens au fait qu'il n'y a au final pas d'enjeux.
Après pourquoi pas, le méchant ne devient alors qu'un prétexte pour former la League, et ça peut être assez jouissif de voir nos favoris défoncer allègrement du bad guy, comme le montrait si bien Dragon Ball au début, recette reprise par One Piece, puis beaucoup d'autres, et parfaitement parodiée par One Punch Man. Pourtant je n'ai pas ressenti ce genre de plaisir cette fois. Il devait manquer certains ingrédients, comme un méchant faisant vraiment des trucs de méchants (meurtres, tortures, rires machiavéliques, petit doigt levé) au lieu de jouer aux cubes façon petite section.
Ce qui est plus grave en fait dans cette absence de pesanteur, c'est que la force gravitationnelle est la seule que l'on observe continuellement dans notre quotidien. Il nous est impossible de nous représenter la réalité sans elle, tout ce que nous voyons a une masse, tout tombe quand on le lâche. On sait exactement comment un objet, un être vivant, d'un poids donné, lancé en l'air de telle manière va retomber, puis s'écraser ou glisser ou amortir le choc. Un super héros, c'est robuste, puissant, donc lourd, et quand ça fait un saut périlleux, ça ne flotte pas en l'air comme si ça ne pesait rien, super pouvoirs ou pas, sinon on ne peut pas croire en ce qui se passe. Les combats se voulant de plus en plus virevoltés, donnant la part belle aux ralentis où les acteurs doivent malgré tout rester aussi photogéniques que jamais, en oublient la dimension pesante qui permettrait de les ancrer dans le réel, ou au moins le vraisemblable, et nous rappellent que derrière l'écran ils sont simplement en train de s'agiter légèrement devant un fond vert. Impossible de s'émerveiller alors.
Les effets spéciaux numériques réussissent par contre assez bien les scènes avec des personnages ultra rapides. On le voyait déjà dans Days of future past et c'est le cas à nouveau dans Justice League avec Flash. Il y a peut-être de l'espoir pour un film centré sur un perso de ce style.