Les enzymes de l'âme ressemblent à des nénuphars.

Bi Gan begins sous les meilleurs hospices, des latitudes subtropicales où le temps n’a plus trait. Apichatping-pong sensoriel (pour de vrai), ce premier grand Kaili Blues se joue de sa descendance filée des maitres Tarkovski ou Hsiao-Hsien, baignant subrepticement dans les lagunes énigmatiques d’un Lynch extrême-oriental. On arrête là les comparaisons : Pique-nique au bord de la route, de sa VO chinoise, est son propre maître.


D’une bravoure et d’une liberté bienvenues, et ô combien roboratives, Kaili Blues se décompose en variations exquises, sibyllines - y esquisse une ou des histoires : un neveu vendu, un passé trouble, une vielle femme, un voyage. Et puis : le film commence réellement, et se perd, et se gagne. Pas de pourquoi. Nous voici sous l’emprise d’un songe, dans Dangmai la fantôme, ville misérable et magnifique à flanc de montagnes. La mémoire et l’imagination s’entremêlent, les possibles se superposent : non pas l’un et l’autre, mais l’un dans l’autre. Jusqu’à cet hallucinant plan-séquence de 41 minutes, techniquement invraisemblable, où la caméra va, vit et vient ici et là, virevoltant littéralement de discussions en digressions, dans un vertige sensitif où les repères s’estompent pour finalement se disperser dans un flou élémentaire et subtil.


« L'esprit passé est inatteignable, l'esprit présent est inatteignable et l'esprit futur est inatteignable »


C’est là la genèse du film
Sans exogène.


Une voix intérieure parle, murmure, s’achève : « ça ressemble à un rêve ».


Concrètement incompréhensible
Ou incompréhensiblement concret ?


Alors
Tout est clair
Et tout est diffus :
C'est un rêve.


Et comme tous les rêves il est irracontable et on aimerait qu'il puisse durer encore.

Créée

le 6 avr. 2016

Critique lue 351 fois

6 j'aime

oswaldwittower

Écrit par

Critique lue 351 fois

6

D'autres avis sur Kaili Blues

Kaili Blues
Sergent_Pepper
8

Détours vers le futur

Premier film audacieux et radical, Kaili Blues cherche à déconcerter, et pourrait vite rejoindre la cohorte d’œuvres pseudo expérimentales s’enlisant dans la prétention et l’ennui : il ne s’y passe...

le 13 nov. 2018

25 j'aime

5

Kaili Blues
Kenshin
8

Vinaigre blanc, rêve érotique, pamplemousse rose.

Sous la tonne de poésie déclamée pendant le film, ne voilà-t-il pas que ce vers, pas piqué des hannetons, s'offre à moi et me murmure, tu cherchais un titre ? En voilà un.Sous une intrigue opaque...

le 5 avr. 2024

24 j'aime

15

Kaili Blues
Clode
8

En dehors du temps

Kaili Blues est un film qui ne semble jamais vouloir commencer et quand enfin il finit par commencer on aimerait que plus jamais il ne se termine. Oui, Kaili Blues commence par ne jamais vraiment...

le 24 mars 2016

17 j'aime

1

Du même critique

It’s Album Time
oswaldwittower
8

Todd mon amour.

Todd Terje c’est avant tout « Inspector Norse », fulgurance disco-électrique à la mélancolie sous-jacente (et au clip²foufurieux). Une sorte de morceau festif définitif qui fait ici office d’épilogue...

le 27 mars 2014

22 j'aime

Ratcatcher
oswaldwittower
7

Glasgow : du dépotoir à la lune.

Douze ans avant le génial We Need To Talk About Kevin, la rare Lynne Ramsay réalisait son premier long-métrage : Ratcatcher, divagations poético-morbides d'un gamin de 12 ans ayant commis le pire...

le 15 avr. 2013

21 j'aime

Stranger Than Paradise
oswaldwittower
8

La mort du rêve américain.

Une succession de plans séquences fixes, articulés en trois chapitres, filmés dans un noir et blanc profond et contrasté. Dans une Amérique miteuse et morose, trois personnages qui s'ennuient se...

le 16 août 2013

19 j'aime