« Mes armes ne devraient pas servir à tuer des gens »

... C'est ainsi qu'au début des années 1990, le vieux et très aimable monsieur Kalashnikov répondait à un journaliste qui l'interrogeait sur son activité « créatrice ».
Voici un biopic fort bien mené qui suit le jeune Mikhail Kalashnikov, des combats où il est blessé en 1942, s'essayer au développement de nouvelles armes individuelles, jusqu'en 1947, année où son travail aboutit au phénoménalement meurtrier fusil d'assaut AK47 Kalashnikov.
Un biopic fidèle à la légende de ce poster-boy de l'union soviétique, gentil garçon sans éducation, autodidacte et bricoleur de génie, qui poursuit son obsession avec persévérance et qui nous rappelle l'aphorisme de Churchill : “Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.”
Mais c'est aussi un film qui nous en apprend autant sur la Russie d'aujourd'hui que sur l'époque qu'il représente : car on sent une volonté de célébrer l'histoire du pays, les choses qui fâchent étant à peine évoquées. L'Union Soviétique d'alors n'est donc pas un état totalitaire quadrillé par la police politique, ruiné par la guerre, encombré de blessés et à la limite de la famine, les murs ne sont pas couverts de slogans patriotiques ni de portraits géants du Petit Père des Peuples.
Au contraire, les bureaucrates se laissent vite convaincre, de partout sortent des collègues qui passent leurs nuits à aider notre inventeur, et les concurrents jouent la compétition avec droiture et noblesse. Cette vision un peu « fantastique » de la Russie stalinienne, si elle me paraît peu fidèle à l'esprit de l'époque, fait que le film s'apparente à un Feel-Good Movie. Par ailleurs, outre que les acteurs sont bons, la reconstitution (mode, uniformes, véhicules, armes) est soignée, les russes savent tenir une caméra et je n'ai pas boudé mon plaisir.
On peut comparer ce film avec « le vent se lève » sur le concepteur du chasseur Zéro où Miyazaki, lui, soulève la question de la responsabilité morale d'un homme fondamentalement bon dont la création est par nature destructrice.
On peut regarder « Kalashnikov » comme un film qui n'a finalement qu'un défaut, il élude la nature de la création de notre gentil monsieur Kalashnikov. A voir en dyptique avec « Lord of War », pour se rappeler cette nature : il s'agit de tuer le plus possible, avec l'arme la plus efficace qui soit.

subtilis
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le 14 févr. 2021

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