Après plusieurs ouvrages sur la Guerre à l’Est, dont le remarquable Joukov (2013), les historiens Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri récidivent et nous offrent un ouvrage définitif et étourdissant d’érudition sur l’opération Barbarossa : l’attaque surprise de l’Allemagne nazie sur son ancien complice, l’URSS de Staline. Les opérations militaires y sont parfaitement décrites. Cependant, l’essentiel de l’ouvrage n’est pas là.
La première moitié de ce pavé de 900 pages est consacrée aux prémisses de ce combat total : D’une part, les situations politique, économique, stratégique d’une URSS brutalisée par Staline et lancée dans une industrialisation forcenée, et ses relations avec les faibles démocraties européennes, la Pologne, l’Allemagne ou le Japon. D’autre part une description convaincante d’une Allemagne avide d’expansion, avec une tradition militaire légitimant l’usage disproportionné de la violence, d’un Hitler habile à faire taire les consciences de ses généraux et où le nazisme perfuse la société d’une haine des slaves et d’un antisémitisme meurtrier.
La seconde moitié de Barbarossa décrit l’attaque proprement dite, de Juin 1941 à Février 1942. Au-delà des doctrines militaires, mouvements des troupes, bilan des combats… les auteurs décrivent l’attitude des populations envahies et parfois prêtes à collaborer, le vécu des civils pris dans la tourmente et celui des combattants jetés dans des batailles aux proportions gigantesques, les crimes et atrocités perpétrés systématiquement non seulement par la SS mais aussi par une wehrmacht pas moins criminelle sous les ordres de chefs compétents mais amoraux.
Des conclusions passionnantes sont tirées sur les causes de l’échec ultime de l’offensive et sur l’incroyable résistance d’une URSS subissant des pertes et des destructions hallucinantes.
Les auteurs explicitent que s’ils cherchent à présenter les deux partis de façon équilibrée, la responsabilité de ce brasier infernal revient principalement à l’Allemagne, qui subira plus tard la vengeance impitoyable d’un peuple russe à qui on n’a pas donné d’autre choix que se battre ou mourir.
Pour conclure, un ouvrage magistral et poignant que j’ai dévoré comme un roman.
Merci aux auteurs, et une pensée émue pour les 25 millions de morts de la Guerre à l’Est.

subtilis
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le 13 mai 2020

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