Kill Bill - Volume 1 par Doctor Lou
Kill Bill, le diptyque, est à mon sens, si on le prend comme une seule œuvre, le film le plus réussi de Tarantino.
Si celui-ci n'invente rien - mais c'est toujours le cas - c'est dans ces deux métrages qu'il digère le mieux ses influences multiples (chambara, wu xia pian, western, film noir...) Ajoutons à cela le traitement original de chaque chapitre, correspondant, peu ou prou, à un univers autonome.
A la base, Tarantino s'inspire d'un sous-genre spécifique : le rape & revenge et en particulier son pendant nippon (voir en particulier La Femme Scorpion et Lady Snowblood).
Certes, Beatrix n'a pas été violée (encore que si, mais plus tard lorsqu'elle est dans le coma), mais a été laissée pour morte et, évidemment, suite à cela, elle va fomenter sa revanche.
Si, contrairement à la tradition du rape & revenge, elle ne devient pas une prédatrice suite à son agression, la construction en flash back du film nous présente toutefois son entraînement passé après son réveil, ce qui, dans l'esprit du spectateur, revient à peu près au même. En cela, on peut voir l'influence du film suédois Thriller de Bo Arne Vibenius où la pulpeuse Christina Lindberg s'entraîne et devient une tueuse redoutable en parallèle aux sévices qu'elle endure (ici, elle est exploitée en tant que prostituée sous l'emprise de la drogue qu'on lui injecte) - influence que l'on retrouve par ailleurs dans le bandeau d'Elle Driver.
Sur ce postulat déjà clairement ancré dans la tradition du cinéma d'exploitation, Tarantino, en bon fan bisseux, va y injecter tout ce qu'il aime.
De l'univers de Bruce Lee, il reprend la tenue jaune et noire du Jeu de la Mort et les masques des Crazy 88 sont empruntés au personnage qu'il incarne dans le Frelon Vert. Idem pour l'encerclement des Crazy 88 qui nous ramène vers le fameux combat de La fureur de vaincre.
Lady Snowblood, déjà cité plus haut, sera utilisé pour tout le duel face à Lucy Liu dans le décor enneigé avec des scènes quasi identiques. Notons aussi les giclées de sang en jet, que l'on voit souvent dans les chambara. Quant au fameux maître chinois à la barbiche blanche et au rire sans pareil, il nous renvoie vers l'une des figures légendaires du wu xia pian...
Le cinéma italien est très présent lui aussi, mais de façon moins évidente pour le spectateur lambda. On recycle donc Fulci, et particulièrement le film Frayeurs dans plusieurs scènes ; depuis les larmes de sang de la petite tueuse nippone jusqu'à l'enterrement vivant. Par ailleurs, l'énucléation est l'un des gimmicks des films de Fulci.
La fameuse liste de 5 noms à barrer vient d'El Mercenario, et de nombreux plans (comme les gros plans des yeux) font références aux westerns spaghetti en général, particulièrement dans le chapitre avec Budd et Elle Driver...
On note aussi les influences des acteurs eux-mêmes. Ainsi, Daryl Hannah perdant son deuxième oeil retrouve l'hystérie de sa mort dans Blade Runner, et David Carradine sa flûte et ses arts martiaux de la série Kung Fu. Quant à Gordon Liu, il apporte la touche Shaw Brothers dont il fut l'un des acteurs emblématiques.
J'en passe et des meilleurs !
Le résultat aurait pu ressembler à une indigeste mixture pour cinéphages 70's, mais il n'en est rien. Le talent est là et la réussite, totale.
En bon chef cuisinier, Tarantino joue avec les ingrédients pour nous offrir un plat unique où il ajoute ses propres épices : les dialogues. Le tout est certes copieux, mais absolument délicieux.
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