Il y a trois ans J’ai rencontré le diable remportait l’unanimité critique et public, permettant aux Coréens de s’approprier un genre extrême qui était d’abord l’apanage des nippons. Ero-guro et compagnie, ils ont toujours repoussé les limites du genre, avant de tout simplement le laisser tomber, si ce n’est pour revenir avec Grotesque en 2011, histoire — déjà — de rappeler qui sont les patrons. Tout comme Gatchaman se veut être la réponse aux blockbusters américains, Killers se veut être la réponse à tout ce que vous avez pu voir en terme d’immondices et de descente aux enfers. Contrairement à Gatchaman qui est un peu allé dans le mur, Killers suit à la lettre les sentiers de la perfection. Une perfection méticuleuse et obsessionnelle des réalisateurs Kimo Stamboel et Timo Tjahjanto (appelés aussi The Mo Brothers) qui ne laissent rien au hasard, que ce soit la direction artistique, la photographie, la narration et évidemment la mise en scène. Il ne faut néanmoins pas limiter l’oeuvre à son côté choquant, car au-delà il y a quand même une grosse question au sujet de la morale. D’un côté on a un meurtrier qui se filme tuant des gens au hasard et devenu star de l’internet underground, et de l’autre un rival, qui lui, les choisit en fonction de leurs crimes, comme le viol ou la pédophilie, passés sous silence en Indonésie pour peu que l’on puisse y mettre le prix.
On se retrouve donc avec un maniaque, Nomura, et un justicier, Bayu, tous deux rivaux et cherchant à atteindre la plus forte audience en ligne, un jeu dans lequel se fait aspirer Bayu, inconscient du potentiel maléfique de son adversaire. Deux personnages totalement différents, l’un étant un beau et riche entrepreneur japonais, et l’autre un homme tout ce qu’il y a de plus banal, reporter dans un pays où le manque de justice fait perdre tous ses reperds en la matière, point de départ autour duquel gravite la grande question du film, sommes-nous influencés par le monde extérieur ou avons-nous déjà le mal gravé en nous, attendant le bon moment pour sortir ? Difficile d’y répondre ici puisque cela révélerait un élément clé de l’intrigue, en l’occurrence la fin.
Rarement réflexion, lyrisme et horreur se seront retrouvés dans un ballet si homogène (sublimé par une bande-originale de Bach). La romance que vit Nomura avec Hisae est un exemple de terreur. Nomura est comme un chaton en sa présence mais on reste toujours crispé, comme si l’on voyait un bébé en train de jouer innocemment avec un tigre, car on connait la nature du second et le peu d’efforts qu’il lui faudrait pour en faire des copeaux.
Les Mo Brothers font deux choses avec leur métrage, ils n’abandonnent pas le gore, et ils lui donnent enfin un sens, véritable fondation de ce thriller psychologique.
Killers se veut être le J’ai rencontré le Diable nippon. Une réussite absolue qui repousse les limites de l’horreur et de l’insoutenable. La morale y est effrayante, le final grandiose et les rebondissement légion. A ne pas mettre entre toutes les mains, mais entre les bonnes la bobine délivrera tout son potentiel.
SlashersHouse
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le 29 déc. 2014

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