On aura beau dire que les remakes hollywoodiens des années 2000 ne sont généralement pas de franches réussites, Peter Jackson a très bien su tirer son épingle du jeu en offrant à l’heure actuelle le film le plus fidèle à la version de 1933. Un remake aussi respectueux du matériel de base que divertissant avec ses séquences d’actions modernes. Le film reprend bien les trois actes (le voyage, l'île et le retour à New York) et va s'amuser avec ses multiples références à son illustre ainé.
Le premier acte reste celui de la présentation des acteurs. L'excellent Jack Black incarne un producteur prêt à tout pour terminer son film, la folie dans son regard et ses actes allant contre toute logique autre que la sienne donnant un coté aussi inquiétant que loufoque au personnage. Naomi Watts sera la belle blonde offerte en pâture au grand singe, ici confronté à la dure réalité du monde du spectacle. Son embauche reste toujours aussi improbable, mais cette fois bien aidé par le coté timbré de Carl Denham. Adrien Brody sera le héros qui sauvera et séduira la belle, et se retrouvera surtout embarqué dans des péripéties dont il se seraient bien passé. Et Andy Serkis, en plus d'un petit rôle supplémentaire, prêtera son jeu d'acteur à Kong en le rendant plus réaliste que jamais dans ses réactions et mouvements.
Ce début de métrage est l'occasion de découvrir un New York se remettant difficilement du Krash, la petite intro mélangeant habilement images de vaudevilles et images de la rue et de ses gens y survivant. Les premières scènes avec Jack Black donne lieu aux premières péripéties pleines d'humours mettant en lumière son talent d'escroc. On se régalera des références habilement dissimulés au film originel. La boîte pour laquelle travaille Denham est au bord de la faillite (comme la RKO à l'époque) et son tournage explose le budget prévu initial (comme le film à l'époque). Quand il sont à la recherche de l'actrice pour le tournage, Fay Wray (la scream queen de 1933) est évoqué par Denham, mais son assistant lui rappelle qu'elle tourne pour le dernier film de Cooper (alias Merian C. Cooper, le co-réal' de King Kong, i.e. le film de 1933 est en tournage dans le film de Jackson. Mind blow !). Et bien sur la fameuse mise en abyme du tournage dans le film, avec les scènes filmées sur le bateau, ou Kyle Chandler, interprétant avec beaucoup d’humour le narcissique Baxter, reprend les paroles du marin n'appréciant guère la présence d'une femme à bord.
Comme à l'époque, l'île reste le gros morceau. L'occasion de découvrir les indigènes du coin, ici des cannibales à l’apparence effrayante, leur apparition offrant un coté anxiogène dans ce qui va devenir l'une des deux séquences horrifiques du métrage. Et bien évidemment l'apparition de Kong sera le détonateur à partir duquel l'action ne va jamais s'arrêter. Le film de 1933 offrait déjà la surenchère de combats titanesques, de dinosaures en tout genre, le tout avec des effets spéciaux d'époques à la pointe. Ben là, c’est pareil. Visuellement, c’est une claque (et pour l'avoir vu au cinéma à sa sortie, c'était quelque chose), les effets visuels offrent ce qui se faisaient de mieux (et on se rend compte qu'en 10 ans, on a encore atteint un autre niveau), et les scènes d'actions s’enchainent et repoussent les limites (le 3 contre 1 avec les tyrannosaures, mazette). On retrouve les séquences cultes (le tronc d'arbre, mais aussi le passage avec les insectes, coupé de l'original, ici offrant le second moment glauque et horrifique du métrage).
Et au milieu de tout ça, Kong offre enfin ses premières réactions, développant les premiers liens avec Ann. Celle-ci fera son petit show, et Kong sera l'équivalent du public, une jolie métaphore, tant ses réactions rappelle celle des spectateurs, tout aussi intransigeants. Un Kong plus naturel dans ses déplacements, calqués sur ceux d'un gorille, tout comme son apparence. On vire ainsi le coté anthropomorphique qui cassait l'illusion, et ce, paradoxalement, grâce à un humain. Tout le talent d'Andy Serkis n'y est pas étranger.
Le retour à la grosse pomme sera au final la partie la plus faible. Peter Jackson calme un peu le jeu. Le théâtre ne sera pas intégralement défoncé, le train malmené sera remplacé par un tramway, et Kong fera surtout des dégâts involontaires. On retrouve le fameux combat sur le gratte-ciel, où Naomi Watts devient plus une gêne qu’autre chose pour notre star, et Adrien Brody arrivera à temps pour la consoler du final attendu. Une dernière partie moins passionnante, la longueur du film pesant, le rythme monstrueux sur l'île étant encore dans les mémoires, ce qui fait qu'on n'échappe pas au comparatif.
On regrettera quelques choix de montages surprenants, comme ces plans aux ralentis parsemant le film, déstabilisants, et plombant la dynamique d’enchainement plutôt bonne du reste du métrage. Jackson ira aussi piocher quelques idées dans la version de Guillermin avec les journalistes escaladant le corps de l'animal, et la phrase final sera la même que dans le film de la RKO. Une façon de boucler la boucle.
Du coup, en plus d'un blockbuster aussi impressionnant que divertissant, on a un remake fidèle marchant dans les traces de l’œuvre de Cooper et Schoedsack. Car nul doute que si les deux gusses avaient eux les moyens techniques à la disposition de Jackson, ils auraient fait un film similaire. Ceux qui critiquent ce remake pour son trop plein d'actions et d'effets numériques (ou par effet de mode) devrait aller visionner la version de 33 où l'on est exactement dans la même démarche. Du spectacle avant tout avec la volonté de montrer des images spectaculaires. Les standards à ce niveau-là ayant évolué, tout comme la technique, la version de Peter Jackson semble en faire trop, alors qu'elle ne fait que suivre le même chemin.