L’histoire d’amour impossible.
Peter Jackson nous a habitués aux films à grand spectacle, hors normes à tous points de vue, et celui-là ne fait pas exception à la règle. C’est grandiose, dépaysant, et on voyage dans le temps sans avoir besoin de machine à remonter. On se croirait dans un film d’aventure à l’ancienne, fait avec les moyens de Star Wars ! Et il a pour ainsi dire un style, qui fait que c’est toujours très classe, car tout est soigné de la tête aux pieds. La reconstitution est millimétrée, les personnages typés bien comme il faut. On a le héros sans peur, qui est scénariste en même temps, (Adrian Brody). Le cinéaste aventurier qui se prend pour Dieu, et qui est prêt tout, même à sacrifier tout le monde, (Jack Black campe à mon avis le meilleur portrait d’Orson Welles jamais vu à l’écran, portrait déguisé il est vrai), l’éternel féminin blonde, en la personne de la fragile et troublante Naomi Watts. Et dans les seconds rôles, on a des figures. On a le frère du capitaine Achab, droit dans ses bottes, qui conduit le navire, le jeune moussaillon qui deviendra grand, les épreuves aidant, Popeye en marin d’eau douce, l’habituel cuisinier chinois. Etc. Tous incarnent des figures sorties de l’Île au trésor de Stevenson, ou des fictions de notre enfance, ou des mythes populaires. Jackson a assez de talent pour dépasser le cadre imposé du blockbuster, et pour créer un vrai univers, hors de tout format préconçu, son univers à lui. Il a dû prendre un sacré pied. On sent qu’il prend plaisir à refaire un de ses films préférés. D’où peut-être le plaisir que l’on prend à le regarder. C’est un hommage à un genre dépassé, (le film de monstre), hommage à un vieux film mythique, (pari risqué, d’ailleurs le film n’a pas marché comme prévu).
Le classique des années trente, le film original, c’est un de ses films fétiches. Il revisite son classique préféré, et prend clairement le parti de la bête. Kong est presque plus humain que ses opposants de chairs et de sang, (et pour cause, c’est un être humain !). Les effets et décors sont encore plus énormes que Kong lui-même. En immersion permanente, on est emporté dans un giga trip, qu’on ne voit pas les trois heures passer... car c’est bon. On voit réapparaître des animaux d’un autre temps, des dinosaures, des êtres amphibiens mangeurs d’hommes, qui déciment la troupe d’aventuriers qui s’est égaré sur cette île perdue du pacifique. Le spectacle est total. Et là, je me repose la question que tout le monde se pose : Que font les indigènes pendant que leur idole est en train d’escalader des buildings à NY ? Mystère. C’est vrai ça, on n’en parle jamais ! Ils apparaissent, enlèvent la blonde ingénue, la livrent à Kong, et disparaissent du film. Ce n’est pas normal ça. Et bien moi, je sais. J’ai bien réfléchi à la question, et maintenant je sais, j’ai une théorie. Se sont eux qui ont tout manigancés. Ils sont malins. Quand ils ont vus le bateau arriver, avec cette femme à la chevelure dorée, ils ont calculés un plan machiavélique. Le sorcier a réuni tout le monde et a dit :
« Kong c’est un gros frimeur qui aime les choses qui brillent. Chez les blancs, il y a des grands sorciers blancs eux-aussi. Utilisons la science des blancs pour nous débarrasser de Kong. Enlevons la femme aux cheveux d’or, et livrons-la à Kong. Les blancs viendront la récupérer, et nous débarrasseront de la bête par la même occasion ». Mission accompli. Ce que les autochtones n’avaient pas prévus, c’est que les blancs choisissent non pas de tuer, mais de capturer Kong, pour aller l’exposer à en vitrine à NY. Pas mal, non ? Un truc tellement extrême, que ça ne serait venu à l’idée de personne ! Mission accompli. Au-delà des espérances, puisqu’on ne parle même plus d’eux, on leur fiche la paix aux indigènes, seul le gros gorille compte. Pauvre Kong ! Je suis un peu comme Jackson, moi aussi je pense que Kong c’est une victime de la « civilisation ». La dite civilisation qui écrase tout ce qu’elle touche comme un rouleau compresseur ou un grand singe savant. Kong sous ses airs de grosse bête, brutale, sauvage, tout ça c’est de la timidité. C’est un romantique au cœur tendre, en réalité, Kong. Il suffit de le voir assis sur sa bute à admirer le coucher du soleil, qui brille, ou jouer sur un lac gelé à NY, comme un gamin qui n’a jamais vu la neige, avec sa poupée Barbie bien serré dans la pogne. La femme blanche ne pouvait que succomber au charme. Normal, aucun homme au monde n’a une poigne aussi virile. Je t’aime, Kong ! Et c’est bien la première fois que je vois une femme préférer un gorille à Adrian Brody ! Mais c’est compréhensible, c’est une femme compliquée qui aime les histoires d’amour impossibles, c’est une artiste. Et la fin, tout le monde la connait. Et dire que si Naomi Watts était brune, Kong passerait des jours tranquilles sur son île à mâcher des pousses de bambou, puis à terroriser de temps en temps les autochtones, et tout est bien qui finissait bien. Y’a pas de justice.