Portrait du héros. Portrait en marbre rose

 
   Encore un film sur le Dalaï Lama. Donc, accessoirement sur le Tibet. Donc sur les relations compliquées entre la Chine, le Tibet, et le reste du monde, c’est-à-dire, Hollywood, amoureux du Dalaï. Le reste du monde semble se limiter à l’Inde frontalière, et les USA. Un petit garçon espiègle, s’avère être le numéro 14 de la lignée. L’histoire, on l’a connaît, à peu près, reste ce que Scorsese en fait. Un biopic, un spectacle, une hagiographie, mieux, un portrait officiel. Avec les moyens mis à sa disposition, son expertise du montage, le concours du vrai Dalaï Lama, ça devient une sorte de chromo haut en couleurs, où pointe l’admiration de Martin, ce qui l’empêche d’aller plus loin. Il est presque complaisant. Il en fait un demi-dieu pacifique, devant lequel tout le monde se couche, ou se met à genoux.


    Un peu de distance ça aurait aidé à y voir plus clair. La fable réaliste ça ne me suffit pas. Quid des défauts du personnage, ses faiblesses, hésitations ? Gommées subtilement ? Il n'en a pas? C’est vraiment un demi-dieu, alors. C’est la fabrique du héros façon Hollywood. Le blockbuster de vulgarisation pour tout public. Il n’y a que la rencontre avec Mao, qui me file un petit frisson dans le dos. Moment saisissant, entre deux montagnes qui se rencontrent, avec un fracas inaudible. Et l’iconoclaste grand timonier, (bien rendu à l’écran), qui rend coup pour coup, et prend l’avantage sur notre placide héros. Le Dalaï Lama est comme Bobby Fischer, il n’attaque jamais. Mao, lui attaque tout le temps. Mais rien ne le touche, Kundun, de son nom de baptême. Il n’est décidément pas d e ce monde.


Ses « erreurs » semblent entachées de sainteté. Sa fuite, est salvatrice, son retour l’est aussi, son exil, acte de résistance. Scorsese ne rend pas service à l’icône, quand il l’enferme un peu plus dans du glacis, comme il le fait ici. Jusqu’à cette phrase qui semble absurde sur le moment, quand on lui demande de réagir contre l’invasion et les crimes des chinois :
« Le Dalaï Lama ne croit pas à la guerre ». Tout ça pour dire ça ? En même temps, il ne dit pas grand chose sur toute la durée du film. Depuis l’âge de deux ans, jusqu’à nos jours, sa sainteté joue son rôle de guide suprême, sympathique au demeurant. Et Hollywood lui fabrique une tribune de plus. En Technicolor, avec des effets visuels derniers cris. Les mandalas se font images fractales…ça brille. Et les tibétains tous des moines qui pleurent leur héros en exil.


    Je n’ai rien contre l’individu, mais tout autre homme politique traité de la sorte à l’écran, et on crierait au scandale, à la flatterie, ou la caricature. Et un cinéaste de la taille de Scorsese qui me fait un truc comme ça, avec ce manichéisme triomphant, je ne trouve pas ça génial du tout. Le réalisme supposé renforcé avec forces anecdotes, qui mettent en valeur le parcours, et empêchent de rentrer dans la tête du principal intéressé. Il est et reste hermétique derrière ses lunettes. Et son sourire altier tel: Je suis le Dalaï lama. Et Scorsese répond : Je fais l’écrin autour du Dalaï Lama. Sa sainteté est-elle insondable ? Non. De problème il n’y a en pas. C’est un portrait officiel, c’est tout.

Angie_Eklespri
6
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le 24 nov. 2016

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