Il y a comme un parfum de groupe Medvedkine dans ce "Deutschland im Herbst". Un film docu qui flirte pour de bon avec la fiction, un film collectif, foncièrement engagé. Oui, un vrai film transgenre qui rappelle la période rouge des Cahiers, cette époque où tout était politique.
Ici ça commence avec un enterrement (celui de Hanns-Martin Schleyer, représentant du patronat allemand) et ça se termine avec un enterrement (celui d'une époque, d'une génération et de pas mal d'espoirs). Entre temps, la RAF est passée par là, Fassbinder aussi avec son cinéma viscéral, son énergie et ses discussions enragées... C'est la première demi-heure du film, celle où le cinéaste se met en scène au plus près de son quotidien et de son désarroi en cette automne 1977. Chaque plan, violemment paranoïaque, filmé avec les tripes dégage une force inattendue au milieu de cet appartement triste et sombre.
Puis vient le travail des collègues : Alexander Kluge, Volker Schlöndorff, Edgar Reitz pour les plus connus. Le film ne se fait pas piéger par sa forme fragmentée, bien au contraire : chaque épisode propose un nouvel angle d'attaque, donne un nouveau souffle à l'ensemble. Certains collent au docu en interviewant des proches de Baader en prison. D'autres proposent un comité d'éthique fictionnel qui discutent de l'éventualité de censurer l'"Antigone" de Sophocle, jugé trop actuel et trop directement lié aux événements !
Ce qui naît devant nos yeux écarquillés c'est un cousin germain du "Fonds de l'air est rouge" de Chris Marker. Un projet curieux qui ne réussit pas totalement ce qu'il entreprend (mais parce que l'entreprise est immense et indéfinie !) tout en réalisant bien plus sûrement : casser les frontières connues du cinéma à la papa, bien rangé dans ses petites catégories et prévisible comme un épisode de Derrick.
Je ne dis pas que tout est à sauver ici mais il y a un courage et une forme de jusqu'auboutisme (comme les idées de la RAF finalement) qui nous fait à la fois aimer ce film et qui nous le rend un peu suspect, un peu daté et naïf, qui nous transmet un peu de sa nostalgie aussi sans doute. Les dernières images dans la forêt des flics à cheval tapant avec leurs matraques sur des jeunes hippies plutôt inoffensifs est un résumé à lui seul du romantisme du projet.
bilouaustria
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le 25 févr. 2013

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