Présenté en compétition au 70e festival de Cannes, l’Amant double était attendu comme un thriller érotique mêlant tensions psychologiques et sexuelles. Retour sur le dernier film de François Ozon qui interroge le thème du double mais aussi celui des faux-semblants, chers à sa filmographie.


Le scénario, inspiré d’un roman de Joyce Carol Oates, raconte l’histoire de Chloé, une jeune femme fragile qui entreprend une thérapie sur le conseil de son gynécologue. Elle démarre une histoire d’amour avec son thérapeute, Paul Meyer, mais découvre par hasard qu’il lui a menti sur son nom. S’ensuit alors une quête de la vérité sur l’identité de l’homme qu’elle aime.


Ozon commence son film de manière très visuelle, soulignant l’intériorité du personnage de Chloé. Un plan cru rejoue l’Origine du monde d’un point de vue chirurgical, suivi d’un œil venant s’y superposer. En plongeant dans le sexe et l’œil de Chloé, Ozon désire déjà nous plonger dans sa psychologie et nous montrer où le film veut aller. Si la plupart des scènes sont très bavardes et très statiques au début, elles basculent vite vers l'action où l’angoisse atteint son paroxysme. Chloé est fragile mais elle fascine aussi, rôle que porte à merveille Marine Vatch. Le personnage du psychologue, joué par Jérémie Rénier, peut paraître beaucoup plus banal à côté, mais se révèle tout aussi intrigant grâce au mystère qu’il entretient sur son identité en mentant à Chloé.


Le scénario est construit comme un puzzle à reconstituer où le spectateur joue un rôle dans la recherche des pièces à assembler. En outre, les décors sont pensés de manière architecturale et ont pour but d’exprimer au mieux l’intériorité et la singularité des personnages. À travers le côté graphique et géométrique des plans et les nombreux effets de miroir et de symétrie, Ozon renforce encore le thème du double.


Par ailleurs, le film est parsemé de multiples références cinématographiques. De par son thème, on pense forcément à Faux-Semblants de Cronenberg, mais aussi à De Palma, Hitchcock ou Buñuel. L’Amant double n’est pas non plus sans rappeler Elle de Verhoeven par son interrogation sur le désir. Dans l’un comme dans l’autre, les héroïnes sont contraintes à un rapport forcé mais finissent par trouver une forme de plaisir dans le jeu de la domination et de la soumission.


Dans la filmographie d’Ozon, on trouve une fascination constante pour les faux-semblants. Il a le don de créer des malaises, de jouer avec la réalité, les fantasmes et les rêves. L’Amant double l’illustre parfaitement en nous poussant plus que jamais à nous interroger sur la véritable nature des images. Le film utilise presque un peu trop généreusement le thème du miroir, sous forme de faits ou de fantasmes, et à force de voir double, on obtient surtout une sensation d’inconfort et d’oppression.


Finalement, on sortira de l’Amant double au mieux chamboulé et au pire légèrement traumatisé, mais en tout cas pas indemne. En signant un film aussi dérangeant, il est certain qu’Ozon gagnera la fascination des adorateurs du genre mais aussi l’abstention des âmes les plus sensibles.

vanhye
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le 21 juil. 2017

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