Encore un couple, encore la naissance d'un amour. Une jeune ville en fuite, Angela, poursuivit à Naples par la police pour vol et tentative de prostitution dans le but de soigner sa mère se réfugie dans un petit cirque ambulant et devient acrobate. Elle fera la connaissance du peintre Gino.
Contrairement au cadre historique et au contexte de guerre présent dans Lucky Star ou dans l'Adieu aux armes, ici on évolue plutôt dans un cadre social. La rencontre amoureuse entre Angela et Gina à pour toile de fond la pauvreté. Une fois encore Borzage tente de démontrer que l'amour peut cacher cette toile de fond. Mais la meilleure idée de ce film, c'est l'idée d'image, image que l'on se fait de l'autre, et une sorte d'idéalisation qu'engendre l'amour en masquant totalement un visage que l'on ne veut pas voir ou auquel on ne peut pas croire.

L'amour entre les deux personnages va naître lorsque Gino va faire le portrait d'Angela. Lorsqu'elle voit le résultat elle ne se reconnaît pas. « Ce n'est pas moi, je ne suis pas comme ça ». Car le geste de pinceau de l'artiste s'accompagne d'un geste d'amoureux, aveuglé, et le trait ne reflète pas la réalité mais une vision idéalisée et angélique qu'il se fait de son modèle. Il peint Angela comme un ange pur, une sainte, mais il ne connait pas son passé. Du coté d'Angela, le fait de se voir différemment dans les yeux de cet homme que ce qu'elle n'est en réalité lui donne une autre vision d'elle-même. Elle aime cette vision et le fait que quelqu'un puisse la voir comme ça.
C'est donc à partir de ce tableau que se met en place le voile vaporeux, celui qui relègue le négatif au second plan. Ce même voile brumeux qui envahi le cadre de Borzage.
Contrairement au mélodrame chez Sirk, l'émotion chez Borzage n'est pas liée aux grands mouvements amples ou à la flamboyance mais apparaît lors des situations intimes, des détails. Lorsque l'on voit naitre ce sentiment d'amour à la suite d'un subtil jeu de regards, d'un sourire discret, d'un petit geste. Ce sont les plus beaux moments de ces films. Ce sont par exemple dans Lucky Star, ces scènes où Timothy « transforme » le corps de Mary, la dévoile. Un shampoing, un essayage de robe. Où lorsqu'il lui montre ses inventions. Ici ça serait par exemple cette scène où Gino, après avoir réussi à vendre un tableau, revient à la maison avec un panier rempli d'aliments. C'est à partir de ces petits riens, dans lesquels les personnages, ensemble dans le plan, se rapprochent que tout le cinéma de Borzage prend sa force.

Un point constant que je n'ai pas évoqué, c'est l'isolement des personnages de Borzage. Des personnages décrochés ou qui tentent de se décrocher de tout contexte historique, social, géographique ou humain pour se recréer une bulle à eux-mêmes. Une cabane perdue au fond des bois dans The River, une autre cabane dans Lucky Star, par exemple. Les personnages de Borzage sont souvent des laissés-pour-compte qui perdent contact avec le monde qui les entoure. Et il y a également cette idée constante d'élévation, les personnages sont décrochés spatialement et prennent de la hauteur dans le cadre. On les voit en haut de poteaux électriques, monter sur des arbres, en funambule,..., Peut être pour observer le monde à leur pied, peut être pour se faire remarquer ou tout simplement pour exister.
Teklow13
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le 13 févr. 2012

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