Je ne sais pas quoi penser de ce film, un instant je le trouve aveugle, énervant et puis ensuite je le trouve formidable pour la même raison. Cela vient très certainement du fait que c'est l'un des films les plus théoriques de ces dernières années, ou tout du moins un de ceux qui affirment le plus ses volonté de métaphore, de parabole et d'engagement significatif.

Le mot souvenirs n'est pas là par hasard, Bonello joue ici avec nos l'imaginaire que l'on se fait de ce début de XXème, de ce qu'il nous en reste dans la mémoire collective. Les scènes renoiriennes côtoient le peintre qui observe le sexe des femme, la mère maquerelle bois du champagne avec les riches professeurs venus profiter et joue d'un mélange subtil de bbienveillance et d'autorité sur ses femmes. On insiste lourdement sur le fait qu'à l'époque les femmes étaient déclarées dans des établissement contrôlés, le bon temps des bonne femme de joie bien dans leur peau qui faisaient un métier honnête ? Mais non, le contrepoints est tout de même là, elle sont enfermées, elles ont la syphilis, elles ont 16 ans ou se font mutiler par des clients, tout n'était pas si rose ... Tableau de surface pour le moins énervant et peu subtil.

Bien sûr Bonello ne s'en arrête pas là, loin s'en faut. Les anachronismes arrivent, par le langage extrêmement moderne parfois, les gestuelles aussi et puis la musique. Finalement cette surface c'est ce que nous voulons voir. Et puis la scène de fin, Clotilde qui a cette même démarche en 1900 qu'en 2000, le film revendique alors l'intemporalité, quelle est la différence entre une prostitué sur le périph' et dans la maison close ? Peut-on la regarder pareil sans le glamour, peut-on même la filmer et dire la même chose sans cette couche de fantasme ? Hier un Courbet en puissance, aujourd'hui un inconnu dans une twingo. La morale n'est alors pas loin, arrive la scène de la lecture d'un traité scientifique démontrant l'infériorité des prostituées, il y a d'un côté les mauvais hommes qui ne voit que perversion et de l'autre les héros, car finalement ce sont les hommes les héros de ce film, qui savent profiter des joies en toute lucidité sur la nature de la relation : "j'aime profondément les putains". On aurait bien sûr perdu cela. Lourdingue encore ...

Et re-non, car il y a toujours un contrepoint à toutes les critiques que je veux faire à ce film. Cette intemporalité se vit aussi comme un rêve, comme une très grande liberté qui se ressent dans le montage, absolument génial, qui nous emmène d'avant en arrière sans ménagement, on repasse par le même endroit, on suit plusieurs scènes en même temps avec une aisance incroyable. Cette intemporalité est beaucoup plus liberté qu'elle n'est universalité. Et puis le film va bien au delà de ça, il se veut aussi une parabole du cinéma français, quasiment tous les acteurs sont des réalisateurs ou des gens du "milieu du cinéma", de tout courant d'ailleurs. Alors quoi ? tout ce monde serait une société proche de la maison close, qui fait commerce de temps à autre ? Encore une fois non.

Et ça pourrait certainement continuer comme ça longtemps. C'est ce qui est dérangeant avec ce film, il affiche tellement sont parti pris théorique et sa volonté de s'extraire de l'image que l'on ne peut s'empêcher de faire un procès d'intentions à Bonello, de penser qu'il ne voit rien qu'il passe à côté de quelque chose, qu'il nous balance des évidences à la figure. Mais non, Bonello a de la ressource, il remue, il questionne beaucoup, il nous pousse à réagir violemment, mais le film ne tranche jamais, c'est sans doute une bonne chose et en tout cas il nous force à regarder loin.

Rien que pour cela il se doit d'être vu je pense, la séance est de toute façon superbe, formidablement interprété et réalisé, la BO est géniale et le film nous berce dans son rythme mélancolique mais à l'intensité latente d'une incroyable puissance, un souvenirs qui vient bousculer notre imaginaire.

Étienne_B
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le 10 oct. 2011

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Étienne_B

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