Les adaptations se renouvellent plus vite qu’elles ne s’adaptent aux tendances du moment. Cette fois-ci, c’est Jack London qui en fait les frais. Ce qui est un merveilleux livre de jeunesse s’est vite retrouvé dans une fausse mélancolie, que les studios Disney tentent de se réapproprier. Il peut arriver que la sincérité soit révélatrice, mais ici, elle se révèle destructrice et niaise, comme l’ambiance de l’on souhaite installer. Chris Sanders, qui descend de l’animation et qui aura fait des heureux chez Dreamworks comme chez l’usine à rêve, échoue dans la capture d’émotions. Sa lecture visuelle manque cruellement de saveur et ce n’est pas en butant sur cet aspect que le film convaincra, car on ressent le désir d’accentuer le non-dit, que l’on partage l’extase du voyage sans retour.


De l’audace, nous en voulions, mais de la pertinence aussi. Malheureusement, le réalisateur ne parvient pas à tout lier, faute de contraintes numériques qui salissent plus son travail qu’elles ne l’enjolivent. Et si le film n’arrive pas à communiquer avec son décor ou ses animaux artificiels, il ne reste plus grand chose à raconter. Le parti-pris laisse peu de doute quant à l’efficacité d’un récit à vouloir explorer l’émancipation. L’intrigue zappe au maximum les moments inconfortables, mais nécessaire afin de relayer l’empathie à notre sensibilité. La maltraitance animale passe donc à la trappe, car trop de bienveillance doit être la clé d’un bon divertissement morale, paraît-il. Bien sûr, on n’évince pas non plus cette notion, mais on ne prend jamais assez de temps pour répondre à des problématiques bien réelles. Au lieu de cela, le récit se découpe en deux, comme pour deux chapitres distincts et pourtant incapable de raconter l’aventure, comme London l’appréhendait.


A l’image du narrateur Harrison Ford, son personnage ne parvient pas non plus à réconcilier ce monde de bisounours avec ce qu’il en est vraiment. Après un dynamique mais non nécessaire élan, porté par Omar Sy sur la première heure, le film devient presque l’opposé. La charmante amitié entre les hommes et Buck rappelle parfois ce qu’on a fait de mieux dans les années 90 en matière d’écriture et d’interaction, mais on les interrompt souvent avec un sprint qui ne sait comment exprimer le point de vue du chien. Tous les héros débordent de sympathie, mais la démarche piétine beaucoup trop pour qu’on daigne les accompagner jusqu’à ce que la délivrance soit faite. C’est pourquoi l’adaptation apparaît trop sage, pour ne pas dire timide.


« L’Appel de la Forêt » de Sanders confond le souffle épique une attraction type montagne russe dans son premier acte et adopte la stérilité pour conclure. Autant dire qu’il y a peu de chose à sauver dans ce déluge de numérique, qui attendra encore un moment avant de générer les émotions souhaitées. Notons toutefois l’avancée de Weta Digital chez Peter Jackson et les récents « Planète des Singes », alors pas d’excuses de ce côté-là. Et quand bien même quelques idées intéressantes sortent du lot, comme pour la cupidité de l’homme, son deuil et la quête de liberté en général, le film dérape devant une pépite qu’il redoute de ramasser et de la transformer en un objet majestueux. On trouvera mieux dans les précédentes adaptations qui ont déjà trouvé une complémentarité au fil du temps et à travers différentes œuvres qui partagent les mêmes thématiques.

Cinememories
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le 6 juil. 2020

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