I want to be what intimidates me.


Suite à son agression en pleine nuit dans une rue déserte par un gang de motards, le gringalet solitaire Casey (brillamment interprété par Jesse Eisenberg) décide d’apprendre à riposter pour devenir sa propre peur, être craint par son environnement et de ne plus se percevoir victime, enfin. Cet humble comptable sans ami ni souci s’inscrit par curiosité dans un club de karaté où il admire sans retenue son Sensei, un professeur misogyne certain d’avoir tout saisi à la domination violente et soit disant naturelle qui régirait la cruelle espèce humaine.


Selon ses enseignements rétrogrades délivrés avec une sagesse risible mais périlleuse dans l’oreille esseulée de Casey, les hommes (les vrais) n’écouteraient que du speed metal auprès de leur gros berger allemand ; une prison de principes aux murs épais comme la bêtise de leur non-fondement. Une douce tristesse envahit une timidité déjà discrète; de quoi briser l'adulescent dans sa prétendue faiblesse, avant de le bercer dans son brutal embrigadement patriarcal. Un enthousiasme délirant va alors l’habiter et le conduire à se transformer pour vaincre son angoisse et convaincre le monstre manipulateur qu’est son maître ; un masque fragile et obsolète, qui n’apportera rien de plus qu’une illusion vaine de puissance.


The Art of Self-Defense” est une comédie noire anti-machiste bien curieuse. Cerné par un climat de prédation sombre aux contours grotesques, le récit décortique les complexes masculins dans une admiration homoérotique avant d’élever son héros au rang de martyr d’une virilité si toxique et délétère qu’elle s’anéantit dans sa propre hystérie. Casey passera d’une vie aux tons bruns et fades à un quotidien fait de jaune, la couleur de sa première ceinture qui fera jaillir en lui un élan de courage et de confiance surfait, pathétique de superficialité. Mais ce jaune n’est pas celui du soleil ou des marguerites, mais plutôt celui de la foudre, d’une agression brûlante qui déborde l’âme et dévore l’esprit. Cette balance tonale délicate colore une satire caustique plus proche du cynisme de “Fight Club” que des enseignements spirituels de “The Karate Kid”. Dans celle-ci, l’acceptation par les pairs domine tout instinct de bonté en faveur d’une emprise débordante de testostérone dénuée de sens, de justice et d’honnêteté.


Une œuvre surréaliste dans sa forme, bigrement pertinente dans son fond.

Peachfuzz
7
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le 10 mai 2020

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Peachfuzz

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