Albertine Sarrazin, enfant de l’Assistance publique, jeune fille violée, braqueuse puis prostituée, mourût à l’âge de 29 ans. C’est dans « L’Astragale », premier roman au nom évoquant son trop rapide passage sur cette terre, qu’elle raconta sa vie d’insoumise, courte et intense. Le livre avait eu droit à une adaptation en 1969 par Guy Casaril et Marlène Jobert dans le rôle titre. C’est cette fois Brigitte Sy à qui on devait le prometteur « Les Mains Libres » en 2010, qui s’empare du classique de la littérature pour livrer un beau portrait de femme.


Albertine veut rejoindre la fille qu’elle aime et pour cela escalade le mur de sa prison afin de s’en échapper. En sautant elle se brise un os du pied, l’astragale. Un malfrat qui passe par là en plein milieu de la nuit (Reda Kateb, très bon, comme à son habitude) lui vient en aide. Ils tombent sur le coup passionnément amoureux l’un de l’autre. S’évader et aimer à nouveau. La voilà en cavale, elle, coincée à Paris, alors que lui se trouve en province pour ses affaires. Esseulée, claudicante, elle réapprend à marcher en se promenant dans les rues de la capitale. Après que son amant soit arrêté, elle va se prostituer, mettre de l’argent de côté, dans l’espoir un jour de retrouver son Julien, et ne plus le quitter.


Le film ne s’embarrasse pas de l’intrigue policière ou d’expliquer les émotions et est dotée d’une narration très libre. Elle est constituée des lieux communs aux films de cavale : fuite, recherche d’argent, planques, les braquages… Mais est parcouru d’autres situations qui offrent son charme au film. Des situations à mille lieux des cartes postales touristiques de l’époque. Brigitte Sy ne filme pas les grands monuments de la capitale, mais plutôt les petites rues pavées des marcheuses, les escaliers des 18ème et 19ème arrondissement, les quais de scènes, les clubs de jazz. Autant de lieux populaires, mais pas populistes. C’est dans ce Paris filmé en noir et blanc qu’Albertine se meut et qu’on erre avec elle. Et qu’on découvre ce petit bout de femme dont la sensualité et la malice contraste avec son ironie et sa violence. Elle est une femme à la sexualité déviante pour les mœurs de l’époque puisqu’elle en aime une autre. Marie, qui lui dit que son Julien ne pourra jamais l’aimer autant qu’elle l’aime. Mais Albertine aime celui qu’elle ne peut avoir à ses côtés.


Dommage que le jeu des comédiens tende vers le maniérisme parfois désagréable et que l’alchimie qui parcourt le film n’ait pas été plus saisie et étoffée. Peut-être aurait il aussi fallu que le drame pointe alors que le contexte de l’époque s’y prête. Cela aurait permis de renforcer le destin tragique de ces deux écorchés. Car c’est avant tout d’amour que souffre Albertine, même si ça blessure résonnera en elle pendant longtemps.


Brigitte Sy parvient assez bien à dresser le portrait de son Albertine, femme forte, battante, en lutte contre son destin. Mais le film, malgré un joli sens du détail et une noble recherche esthétique souffre de quelques défauts qui ne nous permettent pas de nous plonger pleinement dans le récit et de vibrer avec les protagonistes du drame, empêchant son envolée romanesque. Notamment les partis pris de jeu, une Leïla Bekhti juste mais peut-être un poil trop âgée pour la juvénilité de son personnage. Il en demeure un beau tableau mélancolique néanmoins d’une femme qui se sentait indestructible, ou presque. Une belle romance.


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LeBarberousse
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le 15 avr. 2015

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