On a connu Feyder plus concis ! Pour son film le plus ancien que j'aie vu pour l'instant (sorti un an avant l'excellent "Crainquebille", beaucoup moins exotique, mais qui ne souffre d'aucun problème de rythme du haut de ses 80 minutes), il s'embarque dans des aventures nord-africaines sur une durée de 2h50, tout de même. Cette adaptation (une des premières) du roman de Pierre Benoit suit le trajet de deux jeunes officiers perdus dans le désert qui se retrouvent prisonniers d'une mystérieuse femme prénommée Antinéa — qui n'est rien d'autre que la reine de la cité d'Atlantide. Le gros du récit est raconté à la faveur d'un flashback qui éclaircit le passé du protagoniste, retrouvé évanoui au milieu du Sahara.
Normalement, un film d'aventures est censé faire preuve d'un dynamisme un peu plus échevelé — euphémisme pour insister sur le fait que le premier temps du film, jusqu'au démarrage du flashback, est proprement interminable, une heure de trop grosso modo. Une fois embarqué dans le sous-récit passé, l'univers d'Atlantide peut enfin se développer autour de l'expédition montée par le capitaine Morhange et le lieutenant de Saint-Avit. Mais il ne sera jamais vraiment question de cité engloutie : les deux explorateurs finiront emprisonnés au sein d'une civilisation qui les fascine, établie au milieu du Sahara. L'occasion pour Feyder d'exploiter au maximum les conditions de tournage — fruit d'une décision radicale, à savoir tourner sur les lieux mêmes de l’action, au Sahara. Il en résulte une authenticité nette lors de certaines séquences.
L'autre point noir du film, après sa longueur démesurée, porte sans doute sur le personnage d'Antinéa censée consacrer la quintessence du charme féminin qui envoûte les mâles des environs. Saint-Avit, aveuglé par son amour aveuglant, lui obéit lorsqu’elle lui ordonne de tuer son camarade : on a un peu de mal à adhérer à cette dynamique-là, mais bon, cela n'entache pas trop l'ambiance qui règne en ces lieux, avec ces longues galeries sombres, ces différentes pièces, et l'édifice entier bordé de palmiers et de montagnes supposément infranchissables.
Une des premières superproductions françaises, triomphe commercial en dépit des excès budgétaires lors du tournage. Le désert du Sahara algérien donne l'occasion de développer quelques beaux paysages, et 2-3 particularités du récit (les amants embaumés en statues d'or, le coup de l'enfumage au haschich) prennent le dessus sur le rectangle amoureux pas des plus passionnants.