Ça n’est pas évident d’écrire sur ce film.
Quand je suis face à une œuvre vivante je pense : "Percez moi ces voix, ces images, ces pensées, et laissez s'écouler ce que tout le monde veut boire, s'il vous plaît, il n’y a pas que de l'autre côté de mon miroir que ça pu le souffre autant que le lilas. "
C'est exactement dans ce lieu là qu'Aurélien Réal et tout ceux auprès de qui il a travaillé ont posés ce film. Dans un lieu qui fait fuir la distraction et qui époustoufle de franchise.
Il est comme une main qui chercherait à jouer et à improviser avec nos gammes, avec nos sensibilités au touché, avec les résistances de nos jugements et dégage une belle puissance physique.
Les images sont libres de se taire, de se dilater, de s'assombrir, de se flouter, de se tordre sans qu'on nous emmêle dans un délire psychologique ennuyeux, sans qu'on nous barbouille d'une esthétique qui nous rassure…
J’ai alors sillonné avec incertitude entre différentes surfaces dans des profondeurs étranges. J’ai douté face à ce que je voyais. Je me suis délassée dans des étendues. Je me suis recueillie dans des silences et j’ai aimé la bonne dose de folie !
J’ai entendu des choses que je ne saisissais pas, et j’ai eu envie d’être cette bouche qui pousse, qui souffle, qui se détend du mot tenu en cage.
Aurélien Réal ne s'est pas contenté de la surface des choses et nous, nous sommes embarqués dans un voyage qui nous met en contact avec nos aveuglements, nos insensibilités, nos fulgurants désirs de violence, de mort, d’abandon, de jouissance...
Ce film est insaisissable.
Il n’a pu être fait pour être catalogué ou pour soulever quelques critiques molles et gentilles et disparaître dans la houle de l’industrie du cinéma pour laisser place à son alter ego une semaine plus tard.
Car il porte une clarté d’intention qui témoigne d’une délicatesse, d'une profonde maturité, d’une grande générosité et d’un certain respect pour nous, public. Et on a envie de lui rendre la pareille. Quoi qu'on en pense, c'est soulageant d'être pris pour une oreille capable d'entendre, pour un regard capable de voir.
Le corps est un mur de brique et les fissures qui se font n’échappent pas que de la lumière...

Savoir qu’un tel film provient d’une longue rencontre avec une solitude mûrit par de grandes tensions et par certaines questions fondamentales que très peu d"artistes" se posent vraiment apporte une dimension d'autant plus profonde au tout. On sent qu'il provient d'un désir de se dépouiller, d se décloisonner de soi-même jusqu'à offrir ce qu'elle est, cette solitude, quelque soit son allure.
En sortant j’ai senti que j’avais le droit d'ignorer, que je pouvais porter ce qui n’est pas facile à dire et être reçue pour n’être pas facile à entendre…
J’aimerais le revoir. Car beaucoup de choses m’ont échappées. Et ça aussi, ça déjoue le jeu de consommation auquel nous sommes habitué. On a pas peur d’y consacrer son temps. On a envie de le partager avec d’autres. De retenter le voyage.
Il semble suspendu, en déséquilibre permanent, il soulève bon nombre d’incertitudes mais mon avis ne se pose pas.
J'adresse un profond merci à toute l'équipe. Car il en faut du courage dans ce monde pour montrer ce qui est. Étant jeune comédienne, c’est très touchant pour moi de rencontrer des artistes plus mûrs qui osent ce qui semble parfois impossible...

flyinghorse
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le 2 mai 2017

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flyinghorse

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