De l'autre côté du cinéma

"L'autre côté du miroir", je n'ai toujours pas vraiment compris le titre de ce film tout de suite, ni le film d'ailleurs, mais j'ai une idée, un soupçon plutôt. Le voici : je suis rentré dans un fleuve, grand et constamment beau, mais dérangeant pour mes habitudes de cinéphile, et qui m'a pourtant saisi d'un bout à l'autre comme rarement, et j'ai nagé comme j'ai pu en ayant la sensation d'être dépassé par l'ampleur et la densité de son flux. Son réalisateur, aurélien réal, parle d'une "film-monde", c'est vrai que ça m'a donné l'impression que tous les grands sujets d'actualité de notre époque y sont traités, (la crise de l'environnement, "l'islamisation de la société", comme on dit, l'érotisme, l'écriture, etc...), mais selon un regard étrangement distancé dans ce manoir presque intemporel. En fait je me suis senti porté autrement par l'extraordinaire richesse de la bande-son et la qualité du travail des plans, parfois proche du tableau, pour, à la fin du film, me sentir plus léger, comme lavé des scories du monde d'avoir été gorgé de tant d'intensités continues. Trois scènes se détachent particulièrement dans mon esprit, d'abord la scène érotique : sublime, - cela fait tellement longtemps que j'attendais une telle authenticité de la part des deux acteurs ! Voilà, c'est fait, enfin ! Quel choc de beauté ! - Puis les scènes qui traitent du voile et des voiles porté (s) par l'immigrée clandestine venu du Moyen Orient (?)... dont certaines m'ont laissé bouche bée... Enfin, la scène finale de l'écrivain, et cette caméra qui tourne et tourne autour de lui... après de nombreux va-et-viens tout au long du film entre l'histoire racontée et lui en train d'écrire, de réfléchir... Mais où donc a lieu cette histoire qui semble cohérente et haletante ? C'est la question avec laquelle je suis resté après la projection... Peut-être qu'on a jamais quitté l'intériorité d'un écrivain en train d'accoucher de ses projections sur sa page ?... Cela expliquerait le titre du film : L'autre côté de l'histoire, celle qui se fabrique dans l'esprit d'un créateur d'histoires, et peut-être dans mon propre esprit ? Je n'en suis pas entièrement sûr, il me faudrait revoir le film, me re-baigner dans son fleuve, si tant est qu'on puisse jamais se rebaigner dans le même... Après "La Jetée" de Chris Marker, passer de l'autre côté du miroir de mon histoire ?... Euh?...
Il me faut revoir ce film détonnant...