Savoir réagir immédiatement (FAC)

Ensemble de notes prisent pour un exposé sur L'aveu de Costa-Gavras, dont je vous offre un aperçu plus littéraire dans cette critique. Le sujet de l'exposé était de parler de l'aspect culte du film, sa marque dans l'histoire du cinéma.


L’aveu, film de Costa-Gavras, sortie en 1970. Adapté de l’autobiographie de Arthur London. Il s’agit d’une co-production franco-italienne. On retrouve dans l’équipe technique Raoul Coutard à la photographie et Alain Corneau en tant qu’assistant réalisateur. En tête d’affiche, Yves Montand et Simone Signoret [...].


Costa-Gavras [...] actuellement président de la cinémathèque française [...] est surtout reconnu pour faire un cinéma dit politique. [...]



"On a souvent désigné mes films comme politique, mais c'était avant tout des histoires humaines, avec des personnages qui prenaient des positions politiques ou sociales." Costa-Gavras



C’est en travaillant sur Le Jour et l’Heure de René Clément, que Costa-Gavras, alors assistant sur le film, fait la connaissance de Simone Signoret et Yves Montand, en couple à l’époque. [...]
Raoul Coutard, directeur de la photographie sur L’aveu, est aussi reconnu pour avoir tourné sur beaucoup de films de Jean-Luc Godard, dont A bout de souffle et Le Mépris. [...] Il aura permis la création d’une esthétique propre et continue de la nouvelle vague. Les films de Gavras sont à décrypter entre le film politique, le film noir et une forme de post-nouvelle vague, tant son cinéma est construit et inspiré par des personnalités de cette mouvance, et que l’on ressent ces inspirations jusque dans le montage même du film.
Il est aussi intéressant de noter la présence de Alain Corneau en tant qu’assistant réalisateur, [...] qui réalisera en 1979 le film Série Noire. Tout comme Gavras, il aura emprunté le parcours de l’assistant avant de devenir réalisateur.
[...]
Chris Marker est [...] une figure majeur de la nouvelle-vague, notamment avec son court-métrage réalisé à partir de photo, La Jetée. Il était photographe de plateau sur L’aveu et réalisa le documentaire Jour de Tournage, se déroulant pendant l’enregistrement même du film. Son influence est assez notable sur le montage de Costa-Gavras [...].
L’usage de photo sur lequel Gavras exerce des zooms, rappelle beaucoup le court-métrage de Marker. Le montage final est assez symptomatique de ce qui a rendu le film célèbre [...].


Pour remettre un peu de contexte, il s’agit de comprendre la naissance du projet. Habitué à adapter des livres, Costa-Gavras se voit proposé, durant le montage de son dernier film, Z (1969), d’adapter le livre de Arthur London et sa femme Lise, racontant l’affaire du procès de Prague de 1952, dont l’auteur est l’un des 3 rescapés. Cette personne qui proposa l’adaptation à Gavras n’est autre que Claude Lanzmann. L’idée de ce film est, pour Gavras, de révéler les différentes perspectives du stalinisme, mais surtout de critiquer le totalitarisme. A cette époque, beaucoup d’intellectuels s’enthousiasme face au communisme, et seul l’histoire d’Arthur London semble offrir une prise de conscience de l’envers du décor. Yves Montand, acteur sur Z, adhère au projet proposé par Lanzmann, et décide de suivre Costa-Gavras qui, grâce au succès de son précédent film, trouve les moyens de financer ce nouveau projet. Après avoir raconté l’histoire d’un passage à un régime autoritaire dans un pays démocratique, histoire que Z racontait à travers son enquête du meurtre d’un opposant, Costa-Gavras s’était attiré les foudres de la Droite. Mais cela ne l’empêcha pas de réitérer l’expérience avec un autre parti politique.


[...] Racontant l’histoire de Arthur London, renommé dans le film en Arthur Ludvik, et interprété par Yves Montand, le film suit l’incarcération de ce dernier après avoir été accusé d’espionnage au profit des Etats-Unis, contre le régime communiste tchécoslovaque. Le but du régime est de briser Arthur par diverses tortures mentale et physiques. On lui répète sans arrêt « Marchez » pendant les interrogatoire, « Avouez », sans cesse. On attend de lui qu’il se révèle comme Trotskiste. Suite au Procès de Prague de 1952, Arthur devient l’un des trois survivants du procès, les autres ayant été pendu. Il est intéressant de noter qu’à la moitié du film, la narration opère des bons successif dans le futur, présentant à la fois l’avenir tragique de certains personnages, mais aussi l’interview d’Arthur, des années plus tard, racontant son histoire à des journalistes. Le film se termine sur la libération de Arthur en 1956, qui se retrouve en Tchécoslovaquie lors du printemps de Prague et l’invasion du pays par les forces du Pacte de Varsovie. Il s’agit des images qui clôture le film.



"Lénine, réveille-toi. Ils sont devenus fous !"



Le film se termine sur l’image [...], rappelant à quelle point l’idéologie de Arthur Ludvik a été détruite par ses successeurs et leur volonté d’un régime totalitaire. Il s’agit aussi d’un slogan répandu à Prague durant la répression d’août 1968.


Je vais vous proposer un rapide parallèle avec deux ouvrages qui peuvent faire écho au film de Costa-Gavras, et dont l’influence est sûrement notoire, tant ce sont des œuvres importantes. D’un côté, Le Procès de Franz Kafka, [...] racontant l’histoire de Joseph K., un jeune cadre se retrouvant accusé d’un crime qu’il ne connaît pas lui-même, participant à un procès des plus démesuré. On peut y retrouver des similitudes dans le cas de l’affaire d’Arthur London, accusé à tort d’un acte qu’il n’a point commis. De plus, l’aspect dérisoire du procès est mis en valeur durant une séquence du film [...]. De l’autre côté, nous avons 1984 de George Orwell, [...] racontant l’emprisonnement de Winston Smith dans une dictature d’un Londres future, et torturé jusqu’au lavage de cerveau. L’écho qu’on peut faire avec le film de Costa-Gavras se situe plus dans les nombreuses séquences de torture, où les mots, les actes sont répétés, coupant le sommeil de Arthur à toute instant, le forçant à apprendre des choses qu’il n’a pas commis, lui faisant même croire à sa propre mise à mort lors de la séquence de la pendaison, réutilisé sur l’affiche du film.


[...] A l’origine, le film devait être tourné en Tchécoslovaquie, mais l’invasion du pays par les armées du Pacte de Varsovie ne permis pas cette coproduction. Le tournage fût donc envisagé en France, à Lille et Roubaix. On aperçoit aussi la Grand-Place d’Arras vers la fin du film.
Il s’agit de comprendre maintenant l’impact qu’a eu le film sur son époque, à la sortie de Mai 68, alors que l’idéologie communiste prend une part importante en France. Ainsi, lors du tournage, Costa-Gavras subit beaucoup de pressions de la part de certains techniciens ou acteurs du film, lui demandant de ne pas finir le film. [...]



"Dès que l’actualité internationale ou sociale s’emballait, on devenait des ennemis du prolétariat." Costa-Gavras



Yves Montand qui été lui-même communiste, fît de ce film un engagement personnel, après avoir découvert les horreurs commise par les soviétiques à Budapest en 1956. [...]



"Il y a mis toute sa culpabilité d’avoir cru aux mensonges de l’après-guerre." Costa-Gavras



[...] Un tournage grandement influencé par la guerre froide.


Le film sort le 29 avril 1970 en France. Lors des projections test, ainsi que pour la presse, le public laisse pointer son mécontentement. Le journal L’humanité écrira une critique incendiaire sur le film. Beaucoup de membres du parti ne pardonnèrent pas à Gavras d’avoir levé le voile sur le stalinisme, alors que le but de ce dernier était de dénoncer le totalitarisme. En décembre 1976, 6 ans après la sortie du film, sur l’émission Dossiers de l’écran, un débat s’offre sur L’aveu. Jean Kanapa, théoricien et dirigeant du parti communiste, plaide l’ignorance face au message du film. Selon lui, le parti ignorait tout de ces méthodes staliniennes. Costa-Gavras regardait alors l’émission avec Yves Montand et Simone Signoret qui s’exclamèrent :



"Il ne peut pas dire qu’il ne savait pas !" Yves Montand



L’émission est visionnée par des millions de français, chacun se faisant son propre avis sur les propos du Parti, éveillant peu à peu les consciences.


L’aveu réussit tout de même à devenir un succès avec plus de deux millions de spectateurs à sa sortie. Il reçoit en 1971 une nomination pour le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, et aux British Academy Film Awards pour les United Nations Awards. Le film marque toute une génération de cinéphile, notamment par sa narration et son montage qui vient glisser quelques éléments du futur dans le présent, afin de laisser pointer une forme d’ironie lors de certaines situations. [...]
[...] Costa-Gavras vient superposer une image déjà montré plus tôt dans le film. Il s’agit d’une trace du futur dans lequel des membres du parti communiste jette les cendres de certains des membres condamnés. Costa-Gavras réitère l’expérience à plusieurs reprise dans le film, nous présentant par exemple un personnage comme étant le sauveur de la situation, puis nous montrant dans l’enchaînement du montage, son arrestation quelques semaines plus tard, ainsi que sa pendaison. Le film raconte l’histoire d’un homme qui se souvient, utilisant le montage pour y imbriquer des images d’archives, ou des souvenirs d’une plage de méditerrané lors d’une séquence de torture avec un sceau d’eau. Des ruptures momentanés de la narration qui renvoie le film de Costa-Gavras directement à la nouvelle vague, notamment avec le film de Alain Resnais, Je t’aime, Je t’aime. Un film qui joue avec les modernités de son médium.


L’aveu devient rapidement un phénomène politique et culturel. En se servant du cinéma pour révéler la vérité d’une affaire, Costa-Gavras décuple les effets souhaité par l’autobiographie d’Arthur London. Le cinéma est un art qui touche bien plus de monde aujourd’hui. Dans sa conception politique, il révèle une vérité du point de vue d’un réalisateur, comme Costa-Gavras qui cherche à dénoncer une réalité. On peut trouver de nombreux films à la suite de L’aveu qui ont voulu révéler au monde une certaine vérité par la fiction. On pense notamment au film de Jim Sheridan, Au Nom du Père, un film qui utilise le procès au cinéma, comme pour rendre l’affaire de l’emprisonnement de Gerry Colon, accusé à tort d’un attentat en Angleterre. Des œuvres qui possède de forts échos politiques. Par l’usage d’image d’archive, Costa-Gavras ancre son film dans la réalité, comparant les actes du parti à certains actes Nazie durant la second Guerre Mondial. Mais c’est surtout en s’attaquant à une histoire âgé de seulement quelques années, que Costa-Gavras ancre son film dans une forme d’immédiateté, afin de réveiller les consciences, sur le totalitarisme et les écarts du communismes [...].


En conclusion, L’aveu est un film qui à su suivre les tendances cinématographiques instauré par la Nouvelle Vague, notamment avec l’aide de Raoul Coutard et de Chris Marker, avec un montage et une narration créative. Cherchant à révéler l’affaire d’Arthur London, Costa-Gavras s’engage dans une confrontation avec la Gauche, et fait de ce film un marqueur de l’Histoire. Aujourd’hui encore, le film sert de souvenirs des erreurs passés, des dérives de certaines idéologies. Et par son montage, ses acteurs, même sa musique, il captive et marque les esprits.

noireau299
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les films que j'ai vu en 2021 et Les meilleurs films de Costa-Gavras

Créée

le 6 mars 2021

Critique lue 396 fois

2 j'aime

noireau299

Écrit par

Critique lue 396 fois

2

D'autres avis sur L'Aveu

L'Aveu
-Marc-
8

Cosmopolite et idéaliste: coupable!

1970: Costa Gavras décide d'adapter au cinéma le livre d'Artur London. Depuis le printemps de Prague en 1968, des militants communistes en Europe de l'Ouest se demandent si le soleil se lève toujours...

le 12 févr. 2016

32 j'aime

1

L'Aveu
spirifer
9

Que la Révolution continue même si nous sommes broyés

A sa plus grande surprise, un membre modèle du Parti Communiste tchécoslovaque, ancien des Brigades Internationales et de la Résistance en France, vice-ministre des Affaires Etrangères est arrêté et...

le 13 déc. 2013

23 j'aime

3

L'Aveu
takeshi29
9

LE film politique

Souvent cité comme la référence du film politique, il est surtout impressionnant de constater comme la sobriété, la froideur, l'absence totale d'artifice cinématographique permettent à ce film de...

le 21 juin 2011

18 j'aime

3

Du même critique

Le Livre des solutions
noireau299
8

Les Petits Chefs-d'Œuvres Naïfs du Quotidien

Je n'ai jamais été objectif avec Michel Gondry. Certes, Eternal Sunshine of the Spotless Mind est un chef d'œuvre, mais ce n'est pas avec ce film que cette impression s'est scellée pour moi. En 2017,...

le 10 juin 2023

15 j'aime

Ghosteen
noireau299
9

Interprétation à Chaud d'un Album Endeuillé: l'Enfant et ses Parents

Welcome to the premiere of the new album from Nick Cave and The Bad Seeds. It is called Ghosteen. It is a double album. Part 1 comprises of eights songs. Part 2 consists of two long songs, linked by...

le 3 oct. 2019

15 j'aime

1

A Momentary Lapse of Reason
noireau299
7

Un retour presque inespéré

A Momentary Lapse of Reason, c'est le départ de Roger Waters, le début de son procès infâme et le retour de Richard Wright, viré quelques mois plus tôt du groupe. C'est suite à toute ces entourloupes...

le 20 mai 2018

7 j'aime

1