Un retour aux sources. Pour le réalisateur, qui, après les paysages enneigés de ses précédents films et documentaires, retrouve la Sologne flamboyante de son enfance. Pour son jeune héros, Paul (très touchant Jean Scandel, qui effectue ici ses premiers pas au cinéma), petit orphelin de Paris qui, en croyant se faire adopter dans un village inconnu de lui, revient sans le savoir vers un lieu ombilical. Pour le spectateur qui, entraîné par la caméra contemplative de Nicolas Vanier (secondé par ses directeurs de la photographie, Éric Guichard et Laurent Charbonnier), s'immerge dans une France intemporelle, celle des années 30, où la nature pouvait encore être reine... La photographie, donc, est magnifique, tantôt s'enfouissant au plus près des sujets à observer, tantôt survolant ce territoire végétal à la manière d'un grand oiseau. Le réalisateur, par moments, laisse ainsi s'exprimer son goût pour le documentaire, créant alors un véritable ressourcement pour l'œil.


De ce qu'on nomme "école buissonnière", il ne sera pas véritablement question, puisque le petit Parisien qui tient entre ses mains le fil scénaristique arrive dans ce pays de bois et d'étangs au début de l'été. Il s'agira bien plutôt d'une forme d'école des buissons, puisque l'initiation de l'enfant est vite assumée par un sympathique braconnier (François Cluzet, extraordinaire en homme des bois), qui transmettra à son jeune élève tout ce qu'il sait de Dame Nature. Et au moment de la rentrée des classes, Paul s'acheminera vers l'école avec autant de docilité et de goût que les autres petits villageois, nouant même rapidement une certaine complicité avec sa maîtresse.


Une histoire lumineuse, donc, qui se déroule tout entière dans la luxuriance verte de l'été puis les ors infinis de l'automne, de l'or des végétaux à celui d'un grand vieux cerf majestueux, dans le pelage duquel la caméra s'enfonce comme dans une prairie. Une histoire de liens, qui se tissent ou se renouent soudainement, dans la brusque révélation d'un nom. Une histoire de formation et de reconstruction, donc.


Mais sous ce récit en apparence assez simple, cheminent d'autres histoires, plus souterraines et douloureuses, en général liées à la vie plus complexe des adultes : un mari trompé (Eric Elmosnino, magnifique), garde-chasse de son état, et mettant toute son ardeur à ne pas voir les superbes bois dont son front est orné et à poursuivre le braconnier autour duquel s'organise toute son existence... Une femme inféconde (Valérie Karsenti, vibrante et maternelle à souhait), reportant toute son affection sur les enfants qui lui sont passagèrement confiés... Un vieux Comte racé (François Berléand, seigneurial au possible), inconsolable depuis la perte de sa fille et irrémédiablement éloigné de son fils imbu et arrogant (belle prestation de Thomas Durand)... Tous ces drames humains, vécus dans la discrétion de l'informulé, confèrent à la nouvelle œuvre de Nicolas Vanier une complexité qui vient enrichir l'apparente transparence d'une vie d'enfant.


Il n'en demeure pas moins que tous ces fils secondaires se tissent et se nouent autour de la figure centrale, solaire, de l'enfant. Un enfant qui connaît le destin des enfants de conte, qu'une bonne fée élève de l'état le plus humble au statut le plus haut. Enfant immémorial, donc, dont la trajectoire hante et fascine les esprits depuis toujours. Mais aussi figure littéraire plus datée, à l'image des héros d'Hector Malot, ces enfants du tournant du siècle auxquels on ne peut s'empêcher de songer ici, qu'ils s'agisse du petit Rémi de "Sans Famille" (1878) ou de la jeune Perrine de "En Famille" (1893)...

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le 25 oct. 2017

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Anne Schneider

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