C’est Pierre Corneille qui l’a écrit dans Le Cid, il a écrit "L’amour est un tyran qui n’épargne personne". Dont acte. Marie et Boris en sont là, à ne plus s’épargner, à faire les comptes en vue d’une séparation, affective et matérielle. Elle veut lui donner le tiers de la valeur de leur maison, il en veut le double. Elle n’est plus amoureuse, il semble y croire encore. Elle a ses jours pour s’occuper des jumelles, il a les siens. Tout est affaire d’organisation désormais, d’argent, de calculs, de contradictions, de rancœurs aussi et même de dégoût, et l’amour est devenu une vaste blague, un vague souvenir morcelé entre cuisine, chambre et salon. Un rêve à la con.


C’est Christian Vincent qui, en 1994, filma Isabelle Huppert et Daniel Auteuil dans un film bouleversant et dur, La séparation, d’après le roman de Dan Franck. Là encore, un couple à bout de souffle se déchirait et se repoussait, avec un enfant au milieu des décombres. Mais là où L’économie du couple nous laisse simplement indifférent, La séparation brûlait de par son âpreté et l’intensité physique de ses acteurs. Bérénice Bejo et Cédric Kahn, eux, sont dans une théâtralité un peu forcée (les dialogues, parfois mal écrits, ne les aident pas non plus), pas dans l’incarnation mais dans la représentation ; on sent le jeu, on flaire les intentions, on devine les ficelles. Souvent on voudrait plus de fièvre.


Le film, coincé dans cette maison de la discorde, étire son sujet en l’étoffant comme il peut (une possible réconciliation, les problèmes financiers de Boris avec deux ou trois crapules…) et le construit en opposant systématiquement la parole de Marie à celle de Boris, ou inversement, sans autres formes de nuances scénaristiques. Premières victimes : les deux filles, qui ne servent que de faire-valoir émotionnels (et même de circonstance arrangeante lors d’un final limite racoleur), ou cette pauvre Marthe Keller dans un rôle quasi inutile. C’est un parti pris de vouloir se focaliser sur l’aspect financier et pragmatique de la séparation (avec, en filigrane, une "réflexion" éculée sur les rapports de classes), mais le film en néglige complexité (sentimentale) et latitude (esthétique), nous laissant avec peu à seulement compter les points entre deux engueulades.


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mymp
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le 17 août 2016

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