La guerre, comme la loi, et l'idéologie, est un monstre. Une chose vaguement humaine, sortie du cerveau de l'homme lui-même, qui s'impose à ce dernier, froidement, sans qu'il ait finalement plus aucun mot à dire.
Il y a deux formes de monstruosité : celle que l'on pratique, et celle que l'on subit. Deux formes auxquelles chacun tente d'échapper comme il peut, quotidiennement, mais qu'il pratique quand même un peu. C'est la vie, il n'y a pas de geste sublime. Comme il n'y a pas d'utopie. Aucun mouvement humain n'est absolument bon. Chacune de nos respirations libère au moins un tout petit peu de monstre, ou en témoigne, dans un monde lui-même au moins un tout petit peu monstrueux. Pas de quoi en faire un fromage.
On se contente de cet état, le nôtre comme celui du monde, on essaie en tout cas. C'est dur d'être un homme, tout un monde de chair, dont même les meilleures intentions sont aimablement souillées par l'introspection. Même en temps de paix. Mais en temps de paix, on a les plaisirs, en quantité, que l'on tente coûte que coûte de transformer en passion. Pour s'oublier. Et on n'en a des passions, des rayons entiers.
En temps de guerre, il n'y a plus de compensation. L'incessant bruit des bombes censure l'oubli. Le monstre est partout. La guerre c'est tout un monde. Mais c'est aussi le soldat. Le soldat est tout un monde. Le soldat marche sur les cadavres, mais ils les fabriquent aussi. Le soldat trouve le courage dans les passions, dans le sourire d'une femme, dans les idées de vengeance, dans les souvenirs, dans ces instincts ; mais il y trouve aussi la mort, comme une balle perdue, lorsqu'il signale sa présence par le bout rouge de sa cigarette, en territoire ennemi. Où lorsqu'il pense à la femme, au lieu de penser à son compagnon de fusil...
En temps de paix comme en temps de guerre, les passions sont un peu des monstres. Parfois. Indépendantes, inconscientes, déterminantes... sauf qu'en temps de paix, elles sont un peu moins question de vie ou de mort.
Quoique... j'en sais rien.
Quoiqu'il en soit, c'est bizarre, je ne me l'explique pas, mais l'amour et la clope, ça me paraît encore plus beau dans la guerre. Là où c'est le plus dangereux pourtant. Je suis peut-être un peu maso... ou fleur bleue.
Non pas maso, je crois pas. Parce que l'amour cauchemar ne me plait pas, ni ici ni ailleurs.
Fleur bleue alors, mais au fusil.