À son tout premier film, Andreï Tarkovski parvient à réunir plusieurs éléments qui constituent généralement les grandes œuvres, soit, savoir faire parler les silences, révéler l’âme des personnages, intégrer une poésie à l’image, bâtir des cadrages à la fois beaux et signifiants, dirigés avec doigté les acteurs à travers une construction dramatique donnée. La présence du jeune Nikolaï Bourliaïev est tout simplement saisissante. Chaque seconde à l’écran est vécue avec vérité et telle-ment de nuances. Il interprète un jeune Russe têtu d’une douzaine d’années devenu orphelin après que sa mère fut assassinée par les Allemands. Il rejoint une garnison avec l’intention bien arrêtée d’aller au front pour se venger. Les gradés de l’armée soviétique lui réservent plutôt une place à l’école militaire. L’éthique doit-elle avoir préséance sur le sentiment de vengeance en situation de guerre ? Un enfant a-t-il sa place sur un champ de bataille. Même chose pour la seule femme sur les lieux que l’on finit par libérer. Ce qui rend le film si troublant, c’est que dans le regard des officiers ayant à protéger ces êtres purs, on sent une flamme de désir. Mais cela est tourné de manière subtile et poétique. Les séquences de rêves replongeant Ivan dans les moments heureux de son enfance et la scène de séduction dans une forêt de bouleaux sont d’une grande beauté. Après des célébrations de victoire, l’auteur nous laisse sur des images de corps d’enfants morts et l’annonce de l’exécution d’Ivan, évoquant ainsi les dégâts que la guerre laisse sur son passage…