Voir ce film en connaissance de la fin tragique de Claude Jutra et de sa postérité ternie par des soupçons de pédophilie est plutôt troublant. Comme si notre élan d’appréciation pour le travail du réalisateur se voyait freiné par les agissements présumés de l’accusé. Si on s’en tient à l’œuvre, on doit reconnaître toute son importance dans la cinématographie québécoise. Elle s’inscrit dans une vague de fraîcheur venue d’outremer. L’ascendance de François Truffaut sur Claude Jutra au début des années 60 est on ne peut plus claire. En plus de nous plonger dans un univers rappelant celui Jules et Jim, il trouve le moyen de mettre le réalisateur des Quatre cents coups à l’écran. En se mettant en scène lui-même dans un scénario autobiographique, Jutra pousse plus loin l’exploration d’une nouvelle écriture en juxtaposant fiction et cinéma direct. Il ose porter à l’écran sa propre histoire d’amour avec Johanne Harrel, un mannequin à la peau noire qui le confronte dans son homosexualité. Leur passion mutuelle ne les empêche pas de remettre en question l’exclusivité dans le couple. Sujet à la mode à une époque où le mot liberté est sur toutes les lèvres. Et puis surgit la venue d’un enfant qui plonge Claude dans une introspection qui le mènera à se lancer au bout d’un quai tout comme Jutra le fera des années plus tard. En revoyant ce film, la voix narrative de l’auteur résonne tragiquement. Elle nous rappelle à la fois le talent indéniable de l’artiste et l’intérieur trouble de l’homme. À tout prendre, on a beau bannir l’auteur, l’œuvre demeure même ternie.

Elg
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le 16 nov. 2020

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