1964 : Henri-Georges Clouzot tourne un film dénommé L'enfer, avec Romy Schneider et Serge Reggiani. À cause des problèmes de santé de Clouzot et de Reggiani, le tournage ne peut être achevé. Néanmoins, le projet reste connu car les rushes sont conservés et diffusés. Le thème de l'enfer est la jalousie portée jusqu'à la folie. On y voit des plans psychédéliques et oniriques, loin du classicisme des films réalisés dans les années 40. Clouzot semble renouer avec le surréalisme, qui l'a influencé dans sa jeunesse et qui le fascinera jusqu'au bout (voir la prisonnière).


1994 : Claude Chabrol ne se met pas la pression et reprend le scénario pour en tourner une nouvelle version. Le casting se compose d'Emmanuelle Béart (Nelly), au faîte de sa gloire depuis Manon des sources, sorti quelques années auparavant, François Cluzel (Paul) en mari jaloux et Marc Lavoine en vacancier séducteur.


Voilà pour le (long) contexte. Visuellement, Chabrol abandonne les plans psychédéliques de Clouzot, et montre la folie d'une manière différente, une assez astucieuse successions de plans vécus ou imaginés, dans le désordre, par Paul.


Comme d'habitude, serais-je tenté de dire, la partition de Cluzel est impeccable, entre le bonheur sincère des débuts, les moments de doutes, et la folie de la fin. Au début du film, Emmanuelle Béart joue dans un registre un peu décalé, comme si l'instruction du metteur en scène avait été "joue-moi Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme", qui n'est pas très crédible compte tenu de l'âge du personnage. Heureusement, plus le film avance et plus son jeu se simplifie, avec une stupéfaction grandissante vis à vis de la dérive de Paul.


À souligner, une photo assez réussie, la combinaison "folie plus hôtel" renvoie bien sûr à Shinning. On y pense sans que la référence ne soit trop appuyée.


LA FIN, POUR M'EN SOUVENIR :


Plongeant de plus en plus dans la folie, Paul se retrouve avec Nelly devant leur médecin de famille, qui comprend la situation et leur propose à tous les deux (pour éviter de braquer Paul) de consulter dans une clinique psychiatrique. Faute de place, l'entrée est reportée au lendemain matin malgré l'urgence. Dans la nuit, une nouvelle crise de folie saisit Paul. Il fait prendre à Nelly des somnifères, à son insu, puis l'attache au lit. Ensuite, Chabrol propose deux fins selon le mode vérité/mensonge déjà employé pendant le film, mais sans dévoiler laquelle est réelle cette fois ci : dans la première, Paul tue Nelly avec son rasoir. Dans la seconde, il émerge de sa folie et trouve sa femme endormie et toujours attachée au lit.

Minostel
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le 4 juin 2020

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