Dans son "Huis clos" Jean-Paul Sartre nous disait que "L'enfer c'est les autres".
Chez Claude Chabrol, ici, c'est un peu le cas.
Voici Paul. Paul a des crises d'angoisses qui lui font perdre ses moyens. Paul ne comble plus sa femme (Nelly), mais il l'aime et elle l'aime aussi. (Ils ont un fils qu'ils aiment aussi mais ce n'est définitivement pas lui qui m' intéresse ici).
Paul est aubergiste, Nelly l'aide à tenir le commerce et est la cible de tous les regards masculins (il faut dire que jamais Emmanuelle Béart n'aura été aussi belle et ses lèvres aussi naturelles).
Paul se gave de somnifères parce qu'il ne peut pas dormir, boit si les somnifères ne sont pas suffisants et fantasme la réalité à longueur de temps. Nelly assiste impuissante à la déchéance de l'homme qu'elle aime .
Vous vous rappelez que chez Sartre, en Enfer chacun était le bourreau de l'autre? Ici c'est pareil, la jalousie ronge Paul qui vit à travers un grand rêve éveillé où son égo émasculé est sans cesse menacé par le reste de la population masculine qui pourront offrir à Nelly ce qu'il ne peut plus lui donner et ainsi risquer de voir partir la seul chose qui ait de l'importance à ses yeux. Elle? Son enfer c'est cet homme qu'elle aime et à qui elle accepte de s'enchainer pour le préserver bien que plus sa soumission soit effective plus cet eunuque qui lui sert de mari étouffe sa féminité dans l'oeuf.
Bref l'histoire de l'amour tué par l'amour.
C'est ironique mais ce n'est pas drôle; c'est paradoxale mais c'est logique; c'est la vie mais pourtant l'amour se meurt.
Après ce petit descriptif je pourrais vous parler de la beauté de la composition des plans, de la lumière très maitrisée représentant parfaitement la progression de Paul dans son isolement mental et son enfoncement dans son propre enfer mais... certaines images n'ont pas besoin d'être décryptées. Juste être vécues. On remerciera d'ailleurs Claude Chabrol* de ne pas nous abreuver de dialogues inutiles qu'il compensera par une réalisation sans prétention, évitant de flatter l'égo du spectateur ou de le prendre pour un imbécile. Simplement un compagnon de voyage.
On peut également féliciter un François Cluzet tour à tour pitoyable, attachant, détestable et une Emmanuelle Béart au jeu enjoué et au regard mutin (ce qui nous change des yeux de boeuf mort dont elle nous gratifie régulièrement).

Une oeuvre solennelle et funèbre annonçant "La Cérémonie" tout aussi indispensable qui sortira un an plus tard.

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le 3 mai 2013

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