C'est l'histoire d'un talent gâché, celui d'un Brian De Palma qui semble avoir oublié qu'en matière de suspens, il n'y a rien de mieux que la finesse et la suggestion. Mais de finesse, il n'en est pas question ici, De Palma sort l'artillerie lourde et donne l'impression d'un Michael Bay qui aurait fait ses premières armes comme héritier d'Hitchcock avant de se rendre compte qu'il maîtrise mieux l'action (encore que...).


Pourtant le scénario de De Palma lui-même est plutôt bon, le traitement de la schizophrénie par le prisme du suspens avait un vrai potentiel et sur le papier, ça tient la route. Seulement voilà, il y a peu d'autres choses valables, car le film enfile les mauvais choix qui viennent plomber toutes les tentatives pour faire peur ou impressionner. Le choix des acteurs et de leur direction sont ce qui m'a le plus déçu, De Palma les poussant à la caricature grimaçante, au grandguignol permanent. Le plus mauvais choix est sans doute Steven Baueur, latin lover étouffant de beaugossitude et au jeu tellement poussif. Pour Jonathan Lithgow c'est différent car véritable acteur, il l'est, quand il est Carter ça passe. Mais dans ses autres personnalités, pas du tout. Au lieu de jouer à celui qui "est" un autre, il singe ces personnalités. Il fait comme si Carter était lui-même un acteur de ses différentes personnalités. Il ne reste guère que Lolita Davidovich pour passer entre les gouttes, convaincante malgré une choucroute capillaire très ancrée dans le début des 90's.


Retour rapide sur le scénario qui, s'il est bon, montre que De Palma ne savait pas toujours comment s'en sortir puisqu'il l'a truffé d'incohérences, de tricheries et que certaines parties semblent éludées. Non content de nous perdre entre le vrai et le faux sans le rendre intéressant, il oublie par exemple de nous en dire plus sur cette voiture et cette femme noyées, qu'on croit un temps être l'héroïne, le méchant à la fin s'échappe à la fin avec une facilité invraisemblable, sans oublier cette séance d'hypnose en plein commissariat, qu'on annonce risquée, mais qui n'est gardée que par un policier endormi. Exemples parmi tant d'autres...Comme le choix du prénom Caïn, quelle finesse !


En fait tout est là, ce film manque de la finesse habituel de l'héritier du maître du suspense, ce film est comme un chef-d'oeuvre mal dégrossi, comme un brouillon qu'on nous aurait servi faute de mieux, ou faute de temps. De Palma devrait avoir à l'esprit que passer 1h30 avec de si gros sabots aux pieds, ça peut vous filer de ces ampoules...

Jambalaya
5
Écrit par

Créée

le 4 déc. 2015

Critique lue 693 fois

11 j'aime

6 commentaires

Jambalaya

Écrit par

Critique lue 693 fois

11
6

D'autres avis sur L'Esprit de Caïn

L'Esprit de Caïn
KingRabbit
6

De Palma fait un film de vacances avec des copains

Entre le bûcher des vanités, et le grandiose "Carlito's way", Brian réalise un film pour le moins oublié, "Raising Cain", avec un budget modeste. C'est un sympathique petit film de vacances, où le...

le 28 mars 2013

15 j'aime

1

L'Esprit de Caïn
Neumeister
9

Derrière les apparences

On a là un film étrange. Etranges aussi les réactions des spectateurs, qui apparemment ne veulent y voir qu'une série B ratée, indigne du réalisateur de Blow Out, alors qu'il s'agit selon moi de l'un...

le 8 mars 2014

14 j'aime

2

L'Esprit de Caïn
Alexandre_Coudray
6

L'esprit (tordu) de Brian

Se remettant de l'échec du "Bûcher des vanités", Brian De Palma revenait avec "L'esprit de Caïn" à un cinéma qui lui était plus proche, exercice de style gorgé de références (à Hitchcock forcément,...

le 11 mai 2017

13 j'aime

7

Du même critique

The Truman Show
Jambalaya
9

Quand la vie de Truman capote...

The Truman Show, un film touché par la grâce, de son réalisateur Peter Weir d'abord, qui a rarement été autant au sommet de son talent depuis, de Jim Carrey ensuite, qui a fait taire avec ce film,...

le 10 déc. 2013

155 j'aime

17

True Detective
Jambalaya
9

Les Enfants Du Marais

True Detective est un générique, probablement le plus stupéfiant qu’il m’a été donné d’admirer. Stupéfiant par les images qu’il égraine patiemment, images d’une beauté graphique rare, images sombres...

le 12 mars 2014

152 j'aime

15

Le Monde de Charlie
Jambalaya
10

Charlie's Angel

Voici une œuvre miraculeuse, d’une justesse dans les sentiments et les émotions adolescentes qui m’a ramené vingt-cinq ans en arrière. A cette époque, se trouver une identité revenait à les essayer...

le 5 janv. 2014

152 j'aime

26