À bien tout prendre il y avait dans ce film de quoi faire un grand drame.
Une intrigue qui fait vite comprendre qu'elle entend explorer une certaine noirceur humaine...
Un scénario qui parvient à abattre assez régulièrement ses cartes pour offrir de nouvelles perspectives à chacun des personnages mobilisés...
Un lieu qui prend ainsi progressivement vie, donnant sans cesse plus d'épaisseur et de nuance à celles et ceux qui l'habitent...
Et puis enfin et surtout une distribution globalement solide qui apporte toute l'incarnation nécessaire à cet ensemble.


...Et pourtant, malgré tout ça, cet "Été meurtrier" est un film désespérément bancal.
...Bancal faute de maîtrise.
...Bancal à force de sombrer dans l'excès.


C'est bien simple mais quand bien même tous les éléments semblent bons qu'aucun ne sonne pour autant juste.
Jean Becker martèle en permanence ce qu'il a à dire et à montrer.
Voix off à outrance, surtout lors d'un premier quart d'heure oú ce film se réduit péniblement en un banal audiobook illustré.
Plans enchaînant les vignettes insistantes sur le cul de son héroïne, les yeux de son héroïne er l'émoi de ceux qui la regardent...
Ingénérie sonore qui en fait des caisses sur des dérapages, des coups de poings et des grillons (ce qui contraste par ailleurs avec tous ces autres moments où soudainement elle devient muette).
Et que dire de ces longueurs où l'intrigue s'égare en insistant sur des moments racoleurs ou sur des passages qui ne font que diluer ce qu'on sait et pressent déjà...
Pour dire les choses autrement : ce film aurait pu être bon s'il avait été moins balourd.


Et comme un symbole de ce qu'est cet "Été meurtrier", Isabelle Adjani incarne à elle seule tout ce qui cloche dans ce film.
Elle accentue d'abord trop le caractère ingénue de son personnage. Trop de geste. Trop d'éclat. Trop d'exagération.
Elle aurait dû être piquante. Elle n'est au final que ridicule.
Et puis ensuite elle surjoue le drame pleurant et hurlant plus qu'il ne le faudrait.
Même son corps est de trop. Trop exposé. Trop sensualisé, pour ne pas dire trop objectifié pour rester une source de désir et de stupre.


Trop.
Trop de tout et tout le temps.
Ça crie pour un rien. Ça rentre dans des furies. Ça surréagit.
Ce film, à l'image de son interprète principale, passe son temps à se calciner lui-même à force de trop brasser de l'air.


Et c'est dommage car pour une Adjani hystérique on nous gache en parallèle la justesse d'une Suzanne Flon, d'une Jenny Clève ou d'un Michel Galabru.
De même que pour une surenchère de paroles, de cris et de scènes racoleuses on passe à côté de la force dévastatrice qu'auraient pu avoir certains silences, certains non-dits, certains regards...


Au final, j'avoue que mon coeur est resté partagé entre une propos finalement malin et ambigu sur la portée et l'impact que peut avoir un traumatisme profond d'un côté et de l'autre la manière grotesque et pompière avec laquelle cette belle perspective s'en va en flamme.


Au fond cet "Été meurtrier" est à l'image de son histoire d'amour entre Pin-pon et Éliane : séduisante en certains instants mais sordide en fin de compte.
Dommage...

Créée

le 9 avr. 2021

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